Likoutei Amarim Chapitre 41 _______________
Sa page de garde l’indique déjà, le Tanya se fonde sur le verset : « Car la chose est très proche de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, pour la faire ». Ce qui signifie qu’il est aisé d’accomplir la Thora et les mitsvot avec cœur, c’est-à-dire avec des sentiments d’amour et de crainte de D.ieu. Ainsi, jusqu’au Chapitre vingt-cinq, Rabbi Chnéour Zalman a montré comment les sentiments d’amour et de crainte de D.ieu sont accessibles à chacun ; il a également expliqué que la crainte est la source des commandements négatifs et l’amour la source des commandements positifs : l’amour motive l’accomplissement des commandements positifs par lesquels l’attachement à D.ieu peut être vécu et la crainte de défier la Parole divine motive l’observance des interdits. Dans les chapitres précédents, Rabbi Chnéour Zalman a expliqué que l’amour et la crainte de D.ieu sont les « ailes » qui portent la Thora étudiée et les mitsvot accomplies dans les Séfirot supérieures, et qu’en l’absence de l’intention de lichma porteuse de tels sentiments, le service divin accompli demeure comme un corps sans âme, sans élévation. Ce chapitre développe une idée nouvelle : la crainte est le fondement du service de D.ieu, sa racine et son commencement, en fait le préalable nécessaire à l’ensemble de ce service qui comprend aussi les commandements positifs. Bien que l’accomplissement de ces derniers soit, comme il a été dit, motivé par l’amour de D.ieu, une certaine mesure de crainte au moins, même à cet égard, reste requise. Car telle est la définition du « service de D.ieu », un service qui évoque le travail empreint de crainte accompli par un serviteur pour son maître. La crainte est donc effectivement le commencement et le pilier du service de D.ieu.
פרק מ״א
ברם צריך להיות לזכרון תמיד ראשית העבודה ועיקרה ושרשה
Cependant, il faut toujours se souvenir [de ce qu’est] le début du service [de D.ieu], son principe et sa racine.
והוא: כי אף שהיראה היא שרש לסור מרע, והאהבה לועשה טוב
C’est-à-dire que, bien que la crainte [de D.ieu] soit la source de « Détourne-toi du mal » et l’amour [la source] de « Fais le bien »,
Autrement dit, la crainte de D.ieu est la source du refus de l’acte interdit (« Ecarte-toi du mal »), et l’amour la source de l’accomplissement des bonnes actions ou mitsvot (« Fais le bien »).
אף על פי כן לא די לעורר האהבה לבדה לועשה טוב
néanmoins, il ne suffit pas d’éveiller l’amour seulement pour « faire le bien » ;
Même pour l’accomplissement des commandements positifs (« Fais le bien »), il n’est pas suffisant d’éveiller le seul sentiment d’amour de D.ieu, quand la crainte demeure dissimulée dans les recoins du cœur.
ולפחות צריך לעורר תחלה היראה הטבעית המסותרת בלב כל ישראל, שלא למרוד במלך מלכי המלכים, הקב״ה, כנזכר לעיל
il faut au moins tout d’abord (avant cet accomplissement) éveiller la crainte naturelle dissimulée dans le cœur de chaque juif, [crainte qui consiste à] ne pas se rebeller contre le Roi des rois, le Saint Béni soit-Il, comme dit plus haut (à savoir, que cette forme de crainte de D.ieu est innée et demeure enfouie dans le cœur de chacun),
שתהא בהתגלות לבו, או מוחו על כל פנים
de sorte qu’elle soit manifeste dans son cœur ou [dans] son esprit en tout état de cause.
Le sentiment de crainte de D.ieu idéalement recherché est celui qui naît de la profonde méditation sur la grandeur divine. Mais il faut au moins, si l’on ne parvient pas à le faire naître ainsi, éveiller la crainte de D.ieu innée, latente dans le cœur de chacun. Or, ce sentiment inné de crainte peut (a) affleurer comme une émotion effectivement ressentie dans le cœur ou (b) pour le moins, être appréhendé dans la pensée.
דהיינו להתבונן במחשבתו על כל פנים גדולת אין סוף ברוך הוא ומלכותו
Cela signifie réfléchir dans sa pensée à tout le moins, sur la grandeur du Ein Sof et Sa royauté,
L’éveil d’un sentiment de crainte révélé dans le cœur implique la méditation avec la profondeur caractéristique de Daat ; à défaut, il faut au moins réfléchir (même si cette réflexion est dépourvue de la profondeur de Daat) sur la grandeur et la royauté de D.ieu,
אשר היא מלכות כל עולמים עליונים ותחתונים
qui est la royauté de tous les mondes, supérieurs et inférieurs, il existe une corrélation évidente entre la crainte qu’inspire le roi et l’étendue de son royaume ;
ואיהו ממלא כל עלמין
Il emplit tous les mondes, Il anime tous les mondes d’une vitalité immanente ; cette vitalité appartient au domaine de l’expérience, du ressenti des êtres créés.
וסובב כל עלמין
et enveloppe tous les mondes, c’est-à-dire qu’Il les anime aussi d’une manière qui échappe à l’expérience sensible et à la compréhension des êtres créés,
וכמו שכתוב: הלא את השמים ואת הארץ אני מלא
ainsi qu’il est dit : « N’est-ce pas que J’emplis le ciel et la terre [dit D.ieu] ».
ומניח עליונים ותחתונים
Et Il laisse de côté [mondes et êtres] supérieurs et inférieurs,
La royauté divine ne se rapporte pas directement à eux, en sorte qu’Il soit désigné comme leur D.ieu ou leur Roi.
ומייחד מלכותו על עמו ישראל בכלל, ועליו בפרט, כי חייב אדם לומר: בשבילי נברא העולם
et Il exerce spécifiquement Sa Royauté sur son peuple Israël en général (d’où l’appellation « Roi d’Israël ») et sur lui (cet individu) en particulier, car un homme se doit de dire : « C’est pour moi que le monde fut créé ».
La finalité de la Création, qui est l’expression de la souveraineté de D.ieu, se rapporte et s’identifie à lui individuellement, c’est-à-dire que, d’une certaine manière, cette finalité réside dans la royauté que D.ieu exerce sur lui spécifiquement. Cette importance capitale de l’individu pourrait être expliquée par sa place au sein de la Communauté d’Israël, comparée à un seul corps. A l’image d’un corps qui souffre tout entier d’un défaut n’affectant qu’un seul de ses organes, le manque d’expression de la royauté divine chez un seul individu atteint toute la Communauté d’Israël. Cependant, explique le Rabbi, si le Tanya cite ici la Michna selon laquelle l’homme (Adam) fut créé seul afin que l’individu soit à travers lui identifié au monde entier, c’est pour souligner l’importance de chaque personne en tant que telle. Car d’Adam seul dépendait alors en totalité l’affirmation de la Royauté divine dans la Création. D.ieu exerce ainsi Sa royauté spécifiquement sur chaque individu pris en lui-même et non pas seulement sur le membre singulier d’une collectivité. Et de même que les actions d’Adam ont un effet (positif ou négatif comme pour la faute de l’Arbre de la Connaissance) sur la totalité de la Création, de même les actions de chaque individu retentissent-elles sur l’ensemble des éléments de la Création.
והוא גם הוא מקבל עליו מלכותו, להיות מלך עליו, ולעבדו ולעשות רצונו בכל מיני עבודת עבד
Et lui aussi de son côté doit penser qu’il accepte sur lui Sa Royauté, de sorte que [D.ieu] soit roi sur lui et qu’il Le serve et accomplisse Sa volonté dans toutes les formes de travaux serviles.
L’acceptation parfaite du joug divin est demandée à chacun. Mais bien plus, Rabbi Chéour Zalman va montrer maintenant qu’il faut encore parvenir à la conscience claire que la Royauté divine s’exerce sur soi littéralement, que D.ieu se tient au-dessus de soi.
והנה ה׳ ניצב עליו, ומלא כל הארץ כבודו, ומביט עליו
« D.ieu [Lui-même] se tient au-dessus de lui » et « le monde entier est plein seulement de Sa gloire » l’Omniprésence de D.ieu signifie qu’Il est présent partout et qu’Il voit tout ; mais du reste, Il l’observe lui en particulier, le pénètre de Son regard,
ובוחן כליות ולב אם עובדו כראוי
et sonde ses reins et son cœur c’est à dire ses pensées intérieures et ses sentiments [pour voir] s’il le sert comme il se doit.
ועל כן צריך לעבוד לפניו באימה וביראה כעומד לפני המלך
Aussi doit-il [Le] servir en Sa présence avec amour et crainte, non pas simplement à la manière d’un sujet qui se trouve à l’intérieur du royaume, mais comme quelqu’un qui se tient devant le roi.
ויעמיק במחשבה זו, ויאריך בה כפי יכולת השגת מוחו ומחשבתו, וכפי הפנאי שלו
Il réfléchira profondément à cette pensée, et s’y attardera selon la capacité d’entendement de son cerveau et de sa pensée, et selon le temps dont il dispose pour s’appliquer à cette réflexion, qui doit être entreprise
לפני עסק התורה או המצוה, כמו לפני לבישת טלית ותפילין
avant d’étudier la Thora ou [d’accomplir] une mitsva, comme avant de revêtir le talit ou les téfiline.
Autrement dit, cette réflexion doit introduire le service de D.ieu par l’étude de la Thora ou la pratique des mitsvot, pour ainsi appeler la crainte de D.ieu que ce service requiert. Rabbi Chnéour Zalman aborde maintenant une autre réflexion propre au contenu et à l’effet de la Thora et des mitsvot sur l’âme.
וגם יתבונן איך שאור אין סוף ברוך הוא, הסובב כל עלמין וממלא כל עלמין, הוא רצון העליון
Il réfléchira également à comment la lumière du Ein Sof béni soit-Il, qui « entoure tous les mondes » et « emplit tous les mondes » [et] qui est la Volonté suprême,
Comme expliqué dans les chapitres précédents, la Volonté divine, source de vie de tous les mondes, les anime de manière immanente et transcendante ; cette Volonté
הוא מלובש באותיות וחכמת התורה
est revêtue des lettres et de la sagesse de la Thora,
Le Chapitre quatre a expliqué que la Volonté divine s’est revêtue des lettres inscrites à l’encre sur du parchemin et de la sagesse de la Thora. Cette sagesse de la Thora qui conduit à prononcer l’autorisation ou la proscription de quelque chose est, en effet, le vecteur de la Volonté divine qu’elle exprime : c’est Sa Volonté que telle chose soit déclarée propre ou impropre. Ainsi, avant de s’engager dans l’étude de la Thora, il réfléchira au fait que la sagesse et les lettres de la Thora qu’il entend étudier et prononcer sont porteuses de la Volonté divine.
או בציצית ותפילין אלו
ou avant de s’habiller du talit et des téfiline, il méditera sur le fait que la Volonté divine est revêtue de ces tsitsit et téfiline qu’il revêt à présent, car Sa Volonté consiste effectivement en ce qu’un juif porte les tsitsit et téfiline,
ובקריאתו או בלבישתו
et par sa lecture de la Thora ou son étude ou par son port des tsitsit et des téfiline,
הוא ממשיך אורו יתברך עליו, דהיינו על חלק אלוה ממעל שבתוך גופו
il attire la lumière [de D.ieu] sur lui, c’est-à-dire sur la parcelle divine d’en Haut (l’âme divine) qui se trouve à l’intérieur de son corps,
ליכלל וליבטל באורו יתברך
de sorte qu’elle soit absorbée et annulée à l’intérieur de Sa lumière, béni soit-Il.
Tel sera l’effet de la Thora (qu’il étudie) ou des tsitsit et téfiline (qu’il porte) sur son âme divine.
ודרך פרט בתפילין, ליבטל וליכלל בחינת חכמתו ובינתו שבנפשו האלקית בבחינת חכמתו ובינתו של אין סוף ברוך הוא, המלובשות דרך פרט בפרשת קדש, והיה כי יביאך
Et plus particulièrement, par les téfiline, il aura pour intention que les niveaux de sagesse (‘Hokhma) et de compréhension (Bina) dans son âme divine soient annulés et absorbés dans les niveaux de sagesse (‘Hokhma) et de compréhension (Bina) du Ein Sof béni soit-Il, lesquels sont revêtus particulièrement dans les sections Kadech et Véaya ki yeviakha.
Les attributs de ‘Hokhma et Bina du Divin sont revêtus respectivement des sections de Kadech et Véaya ki yeviakha (les deux premiers des quatre passages de la Thora qui se trouvent à l’intérieur des téfiline). Les facultés de ‘Hokhma et Bina de celui qui porte les téfiline sont ainsi absorbées et effacées dans les attributs divins correspondants. Comment s’exprime cet effacement, sur le plan concret ?
דהיינו שלא להשתמש בחכמתו ובינתו שבנפשו בלתי לה׳ לבדו
Cela veut dire ne pas user de sa sagesse et de sa compréhension qui sont en son âme autrement que pour D.ieu seulement. Autrement dit, ses facultés seront mises au service de la Thora et de ses commandements exclusivement.
וכן ליבטל וליכלל בחינת הדעת שבנפשו, הכולל חסד וגבורה שהן יראה ואהבה שבלבו
Et de même, il aura l’intention que le niveau de Daat (la « connaissance », troisième partie de l’intellect) en son âme, lequel comprend ‘Hessed et Guevoura, c’est à dire la crainte et l’amour en son cœur, soit annulé et absorbé
Comme expliqué au Chapitre trois, Daat signifie la connaissance, l’attachement à l’idée comprise, la méditation profonde qui, appliquée à la grandeur de D.ieu, suscite les sentiments de crainte et d’amour à Son égard. Ainsi aura-t-il l’intention que le niveau de Daat de son âme, qui renferme les sentiments d’amour et de crainte, se fonde
בבחינת דעת העליון, הכולל חסד וגבורה, המלובש בפרשת שמע, והיה אם שמוע
dans le niveau de la Connaissance d’en Haut (Daat Elione) qui comprend la bonté et la sévérité, [et] qui est revêtue de la section du Chéma et de Véaya im chamoa.
והיינו כמו שכתוב בשולחן ערוך: לשעבד הלב והמוח כו׳
Cela correspond à ce qui est écrit dans le Choul’han Aroukh, à savoir que l’intention, en mettant les téfiline, doit être d’assujettir le cœur et le cerveau [à D.ieu].
Tel est l’effet particulier de la mitsva des téfiline en détail sur les facultés intellectuelles et émotionnelles de l’âme.
ובעטיפת ציצית יכוין כמו שכתוב בזהר, להמשיך עליו מלכו