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Tanya - Likoutei Amarim - Chapitre 1

Likoutei Amarim Chapitre 1 _______________


פרק א


תניא בסוף פרק ג’ דנדה משביעים אותו


Il est enseigné (Nidda, fin du ch. 3) : « on lui fait prêter serment :


Avant qu’un juif vienne au monde, on lui fait prêter serment dans les cieux, en lui disant :


תהי צדיק ואל תהי רשע ואפילו כל העולם כולו אומרים לך צדיק אתה היה בעיניך כרשע


“Sois un juste (tsaddik), et ne sois pas un méchant (racha) ; et même si le monde entier te jugeant selon tes actes, te dit que tu es un tsaddik, sois à tes yeux comme un racha.” »


La descente de l’âme dans un corps a une finalité – accomplir une tâche particulière en ce monde. Pour lui permettre d’y parvenir, on lui fait prêter le serment d’« être un tsaddik et de ne pas être un racha », et en même temps, de se considérer comme un racha, non comme un tsaddik. L’étymologie (שׁבע) du verbe משׁביעים (« on lui fait prêter serment ») est quasi-identique à celle (שׂבע) du verbe משׂביעים (on [le] rassasie). Le serment imposé peut donc être aussi compris comme le don d’une force particulière qui investit (« rassasie ») l’âme, la mettant en mesure d’accomplir l’ultime but de sa descente ici-bas.


וצריך להבין דהא תנן (אבות פרק ב’) ואל תהי רשע בפני עצמך


Cela doit être compris, car il est enseigné dans la Michna (Avot, ch. 2) : « Ne te considère pas comme un racha ».


Comment est-il possible de dire qu’un juif doit prêter serment de se considérer comme un racha, alors que la Michna elle-même enjoint le contraire ?


וגם אם יהיה בעיניו כרשע ירע לבבו ויהיה עצב


De plus, s’il est à ses yeux comme un racha, il sera blessé en son cœur et triste,


ולא יוכל לעבוד ה’ בשמחה ובטוב לבב


et ne pourra pas par conséquent servir D.ieu joyeusement, d’un cœur content ;


Outre la contradiction précédemment mentionnée, une question supplémentaire se pose à présent. Un des principes essentiels du service de D.ieu est la joie d’avoir le privilège de Le servir, en observant les commandements positifs et en s’abstenant de ce qui est interdit. Comment peut-on exiger d’un homme qu’il prête le serment d’être un racha à ses propres yeux quand une telle considération, synonyme de tristesse et de mélancolie, rend impossible le service de D.ieu dans la joie ? Plus encore, alors que la première partie du serment (« Sois un tsaddik et ne sois pas un racha ») a une signification primordiale au regard de l’accomplissement de la mission qui lui a été confiée ici-bas, la seconde partie de ce serment, suivant laquelle il doit se considérer comme un racha, a la même force impérative.


ואם לא ירע לבבו כלל מזה


et si son cœur n’est aucunement blessé par [cette considération],


En d’autres termes si l’on suggère, pour accomplir le serment prêté, de se considérer comme un racha et de ne pas en être perturbé, afin de ne pas entraver la joie dans le service de D.ieu,


יכול לבוא לידי קלות חס ושלום.


il peut en arriver à [une attitude] de légèreté, à D.ieu ne plaise dès lors que la faute ne le tourmenterait pas.


Même si sa résolution de ne pas être troublé par le fait d’être un racha ne résulte que d’un sincère désir de servir D.ieu dans la joie, une telle résolution est néanmoins susceptible de le conduire à un état dans lequel la faute ne serait véritablement plus source de gêne.


אך הענין


Toutefois, on comprendra cette question après avoir préalablement défini la véritable signification des termes : tsaddik et racha.


כי הנה מצינו בגמרא ה’ חלוקות צדיק וטוב לו צדיק ורע לו


Nous trouvons dans le Talmud cinq catégories : le tsaddik qui connaît le bien (littéralement : le tsaddik et le bien pour lui, la prospérité matérielle), le tsaddik qui connaît le mal, (littéralement : le tsaddik et le mal pour lui, c’est-à-dire qui souffre matériellement),


רשע וטוב לו רשע ורע לו ובינוני.


le racha qui connaît le bien (littéralement : le racha et le bien pour lui), le racha qui connaît le mal (littéralement : le racha et le mal pour lui, c’est-à-dire qui souffre matériellement), et l’homme intermédiaire – le beinoni.


ופירשו בגמרא צדיק וטוב לו צדיק גמור


Le Talmud explique : « le tsaddik qui connaît le bien » est le tsaddik accompli,


Pour celui qui atteint pareil niveau, les souffrances physiques, dont la fonction est de débarrasser l’âme des impuretés de la faute, ne sont pas nécessaires. Aussi prospère-t-il également sur le plan matériel.


צדיק ורע לו צדיק שאינו גמור


« le tsaddik qui connaît le mal » est le tsaddik inaccompli.


Aussi connaît-il des souffrances physiques, pour purifier son âme encore dans un corps, et la dispenser des souffrances dans l’autre monde. Selon cette explication du Talmud, le « tsaddik qui connaît le bien » et le « tsaddik qui connaît le mal » ne sont pas deux tsaddikim du même niveau spirituel, dont l’un prospérerait, quand l’autre souffrirait. Il s’agit plutôt de deux niveaux de tsaddikim. Cependant, pour le Talmud, le niveau spirituel du tsaddik en question est défini par les expressions « tsaddik accompli » et « tsaddik inaccompli », tandis que les expressions « tsaddik qui connaît le bien » et « tsaddik qui connaît le mal » ne définissent pas son niveau spirituel, mais décrivent simplement sa situation matérielle conséquente.


וברעיא מהימנא פרשת משפטים פירש צדיק ורע לו שהרע שבו כפוף לטוב וכו’


Dans le Raya Méhemna (section Michpatim), il est expliqué que le « tsaddik qui connaît le mal » est celui dont le mal le mauvais penchant est soumis au bien le bon penchant.


C’est le tsaddik en qui le mal n’est que résiduel, et soumis de surcroît à sa bonne nature. En conséquence, le « tsaddik qui connaît le bien » est un tsaddik qui n’a que du bien en lui, ne porte plus aucun mal. Selon le Zohar (dont fait partie le Raya Méhemna), les expressions « tsaddik qui connaît le bien » et « tsaddik qui connaît le mal » définissent, elles aussi, le niveau du tsaddik en question. Le « tsaddik qui connaît le bien » est un tsaddik qui n’a que du bien, le mal présent en lui ayant été transformé en bien. Le « tsaddik qui connaît le mal » est un tsaddik d’un niveau inférieur qui porte encore en lui un résidu de mal. Dans ces conditions, il faut comprendre pourquoi des titres redondants sont donnés à chacun des tsaddikim : « tsaddik accompli » et « tsaddik qui connaît le bien », « tsaddik inaccompli » et « tsaddik qui connaît le mal ». Si le « tsaddik accompli » est le « tsaddik qui connaît le bien » (c’est-à-dire celui en qui ne se trouve que du bien) et que le « tsaddik inaccompli » est le « tsaddik qui connaît le mal » (qui garde en lui un résidu de mal), pourquoi est-il nécessaire de donner à chaque tsaddik deux appellations ? L’explication, qui sera donnée ultérieurement (au Chapitre Dix), est que chaque terme descriptif dénote un aspect particulier du service divin du tsaddik (c’est-à-dire son amour pour D.ieu, car c’est en vertu de cet amour qu’il reçoit le nom de tsaddik). Les expressions « tsaddik accompli » et « tsaddik inaccompli » dénotent des niveaux différents de ce service : le « tsaddik accompli » est le tsaddik qui a atteint la forme la plus élevée d’amour pour D.ieu, ahava betaanouguim (« l’amour dans les délices »). Quant au tsaddik « inaccompli », c’est celui dont « l’amour dans les délices » n’est pas encore entier. Les expressions « tsaddik qui connaît le bien » et « tsaddik qui connaît le mal » visent une autre différenciation de ces deux catégories de tsaddikim. L’appellation « tsaddik qui connaît le bien » désigne celui qui a déjà totalement transformé le mal qui était en lui et en qui seul le bien demeure. Le « tsaddik qui connaît le mal » est celui qui n’est pas parvenu à cette transformation absolue et en qui le mal demeure. L’explication qui suit va montrer que le mal auquel il est ici fait référence n’est cependant qu’un mal résiduel qui habite encore le cœur du « tsaddik inaccompli ». Car le tsaddik ne connaît pas le mal réel qui s’exprime à travers la pensée ou la parole. Ni, a fortiori, le mal qui se manifeste à travers l’action.


ובגמרא סוף פרק ט’ דברכות צדיקים יצר טוב שופטן כו’ רשעים יצר הרע שופטן


Dans le Talmud (fin du ch. 9 de Bérakhot), [il est dit que] les tsaddikim sont « jugés » (c’est-à-dire animés) par leur bon penchant, etc. Les réchaïm sont « jugés » (c’est-à-dire animés) par leur mauvais penchant,


בינונים זה וזה שופטן וכו’


les beinonim sont « jugés » par l’un et l’autre le bon et le mauvais penchant.


אמר רבה כגון אנא בינוני אמר ליה אביי לא שביק מר חיי לכל בריה וכו’


Rabba déclara : « Moi, par exemple, je suis un beinoni ». Abbayé lui répondit : « Maître, tu ne laisses la vie à aucune créature… »


Abbayé tient le raisonnement suivant : « Si tu es un beinoni, ceux qui sont à un niveau inférieur au tien sont inclus dans la catégorie des réchaïm, dont nos Sages ont dit : “Les réchaïm sont considérés comme morts, même de leur vivant.” En te qualifiant de beinoni, tu ne laisses la vie à personne ».


ולהבין כל זה באר היטב


Pour comprendre cela clairement,


Outre la question qui va suivre – à savoir que si, d’après la conception commune, le beinoni est celui dont les actes se partagent pour moitié en mitsvot, en bonnes actions, et pour moitié en transgressions, comment alors un sage de l’envergure de Rabba peut-il commettre l’erreur de se tenir pour un beinoni ? –, une autre est ici implicitement posée : si le beinoni n’est que l’homme de cette conception commune, son statut est aisément identifiable et il n’y a plus lieu à débat.


וגם להבין מה שאמר איוב (בבא בתרא פרק א’) רבונו של עולם בראת צדיקים בראת רשעים כו’


ainsi que la déclaration de Job (Baba Batra ch. 1) : « Maître du monde ! Tu as créé des tsaddikim, Tu as créé des réchaïm… »,


והא צדיק ורשע לא קאמר.


il n’est pourtant pas décidé [par avance si l’homme sera] tsaddik ou racha !


Le Talmud relate que D.ieu décrète avant la naissance d’un enfant s’il sera intelligent ou sot, fort ou chétif, etc. Néanmoins, D.ieu ne détermine pas s’il sera tsaddik ou racha : Il lui laisse le libre arbitre. Comment faut-il donc comprendre la plainte de Job : « Tu as créé des tsaddikim, Tu as créé des réchaïm » ?


וגם להבין מהות מדרגת הבינוני


Il faut également comprendre la nature essentielle (mahout) du niveau du beinoni.


La nature essentielle d’un tsaddik est le bien ; la nature essentielle d’un racha est le mal. Quelle est la nature essentielle du beinoni ?


שבודאי אינו מחצה זכיות ומחצה עונות שאם כן איך טעה רבה בעצמו לומר שהוא בינוני


Il n’est certainement pas celui dont les actes comptent une moitié de mérites et une moitié de fautes, car, sinon, comment Rabba aurait-il pu commettre l’erreur de se dire beinoni,


ונודע דלא פסיק פומיה מגירסא עד שאפילו מלאך המות לא היה יכול לשלוט בו


quand on sait que sa bouche ne cessa jamais d’étudier [la Thora], si bien que l’ange de la mort ne pouvait pas avoir d’emprise sur lui ?


Le zèle de Rabba était tel qu’il ne négligea pas un instant l’étude de la Thora. D’un point de vue qualitatif aussi, son étude était si élevée que l’ange de la mort n’avait pas d’emprise sur lui.


ואיך היה יכול לטעות במחצה עונות חס ושלום


Comment aurait-il [donc] pu commettre l’erreur de penser qu’il avait une moitié de fautes, à D.ieu ne plaise ?


ועוד שהרי בשעה שעושה עונות נקרא רשע גמור


De plus, à quel moment un homme pourrait-il être appelé beinoni ? Car, au moment même où il faute, et jusqu’à ce qu’il se repente, il est qualifié de véritable racha


(ואם אחר כך עשה תשובה נקרא צדיק גמור)


(et s’il se repent ensuite, cessant ainsi d’être un racha, il est qualifié de tsaddik accompli).


ואפילו העובר על איסור קל של דברי סופרים מקרי רשע כדאיתא בפרק ב’ דיבמות ובפרק קמא דנדה


Et même celui qui transgresse un interdit mineur des Sages est appelé racha, comme le rapporte [le Talmud dans] Yévamot, ch. 2, et dans Nidda, ch. 1.


ואפילו מי שיש בידו למחות ולא מיחה נקרא רשע (בפרק ו’ דשבועות)


[Plus encore,] même celui qui ne faute pas lui-même, mais a la possibilité de prévenir la faute de son prochain, et y manque, est appelé racha (Chevouot, ch. 6).


וכל שכן וקל וחומר במבטל איזו מצות עשה שאפשר לו לקיימה


A fortiori celui qui néglige un précepte positif qu’il pourrait observer,


כמו כל שאפשר לו לעסוק בתורה ואינו עוסק


comme celui qui pourrait étudier la Thora et ne le fait pas,


שעליו דרשו רבותינו ז”ל כי דבר ה’ בזה וגו’ הכרת תכרת וגו’


auquel nos Sages ont appliqué le verset : « Parce qu’il a méprisé la Parole de D.ieu (la Thora), [son âme] sera retranchée, etc. »


ופשיטא דמקרי רשע טפי מעובר איסור דרבנן


Il est évident qu’il est qualifié de racha, plus que celui qui transgresse un interdit rabbinique.


ואם כן על כרחך הבינוני אין בו אפילו עון ביטול תורה


Il faut donc en conclure que le beinoni n’est pas même coupable de la faute d’avoir négligé l’étude de la Thora,


Une faute pourtant difficile à éviter, comptée parmi les fautes commises quotidiennement.


ומשום הכי טעה רבה בעצמו לומר שהוא בינוני


et c’est pourquoi Rabba commit l’erreur de se dire beinoni.


Le beinoni ne commettant jamais la faute de négliger l’étude de la Thora, Rabba put (par erreur) se considérer comme un beinoni, bien qu’il ait scrupuleusement observé tous les commandements dans les moindres détails, et n’ait jamais cessé d’étudier.


הגהה


NOTE


ומה שכתוב בזהר חלק ג’ דף רל”א כל שממועטין עונותיו וכו’


Quant à ce qui est écrit dans le Zohar III p. 231 : « Celui dont les fautes sont peu nombreuses [est appelé un « tsaddik qui connaît le mal »] »,


Ce passage semble indiquer que même selon le Zohar, le tsaddik qui connaît le mal pourrait n’être qu’un homme ayant commis peu de fautes. Le beinoni serait donc bien un homme ayant une moitié de mérites et une moitié de fautes.


היא שאלת רב המנונא לאליהו


ceci [n’]est [que] la question de Rav Hamnouna à Eliahou.


אבל לפי תשובת אליהו שם פירוש צדיק ורע לו הוא כמו שכתוב ברעיא מהימנא פרשת משפטים דלעיל


Mais selon la réponse d’Eliahou (ibid.), la définition du « tsaddik qui connaît le mal » est telle qu’elle est exposée dans le Raya Méhemna, section Michpatim, mentionné précédemment à savoir que le « tsaddik qui connaît le mal » est celui en qui le mal n’est plus qu’un infime résidu soumis à sa bonne nature.


ושבעים פנים לתורה


Et la Thora a soixante-dix facettes (modes d’interprétation).


Le Rabbi remarque que l’expression « Et la Thora a soixante-dix facettes » aide à comprendre la question de Rav Hamnouna. En effet, il est difficile de concevoir que Rav Hamnouna ait pu envisager l’idée qu’un « tsaddik qui connaît le mal » soit un réel pécheur, alors que toutes les questions précédemment abordées amènent à conclure le contraire. Cependant, Rav Hamnouna formula cette question en pensant qu’il pouvait s’agir d’une des soixante-dix facettes de la Thora.


סוף הגהה


FIN DE LA NOTE


והא דאמרינן בעלמא דמחצה על מחצה מקרי בינוני ורוב זכיות מקרי צדיק


Quant à ce que l’on dit communément, que [celui qui a] une moitié [de mérites] et une moitié [de fautes] est appelé un beinoni, alors que [celui qui a] une majorité de mérites qui prévalent sur ses fautes est appelé un tsaddik,


הוא שם המושאל


il [ne] s’agit [que] d’un terme emprunté c’est-à-dire détourné de son usage habituel


לענין שכר ועונש


[pour figurer] ce qui concerne la récompense et la punition,


לפי שנדון אחר רובו


car [l’homme] est jugé suivant la majorité [de ses actes],


ומקרי צדיק בדינו מאחר שזוכה בדין


et est qualifié de tsaddik au terme du jugement [prononcé à son égard] dès lors que ce jugement lui est favorable.


C’est seulement dans ce sens légal que le terme tsaddik est appliqué à celui dont les bonnes actions l’emportent sur les mauvaises.


אבל לענין אמיתת שם התואר והמעלה של מעלת ומדרגות חלוקות צדיקים ובינונים