Likoutei Amarim Chapitre 34 _______________
Le Chapitre trente-trois a traité de la joie du cœur qui, à certains moments, doit épurer l’âme et l’illuminer. Cette joie nait de la méditation sur l’Unicité de D.ieu Qui est la seule existence.
פרק ל״ד
והנה מודעת זאת שהאבות הן הן המרכבה
Or, il est connu que « les Patriarches sont le char [divin] ».
Déjà rencontrée, l’image du char (ce véhicule subordonné à la volonté de son conducteur) exprime l’idée de soumission parfaite.
שכל ימיהם לעולם לא הפסיקו אפילו שעה אחת מלקשר דעתם ונשמתם לרבון העולמים
Toute leur vie durant, ils n’eurent de cesse, fût-ce un instant, d’attacher leur esprit et leur âme au Maître du monde,
בביטול הנ״ל ליחודו יתברך
avec cette soumission – précédemment décrite – à Son Unité.
En d’autres termes, les Patriarches ayant à chaque instant la pleine conscience de Son unité, ils n’avaient pas de personnalité propre devant D.ieu. C’est cette soumission qui a été illustrée au Chapitre vingt-trois par l’image d’un « char ».
ואחריהם כל הנביאים, כל אחד לפי מדרגת נשמתו והשגתו
Et après eux, tous les prophètes, chacun selon le rang de son âme et de sa compréhension.
La soumission de chacun dépendait du rang de son âme dans les hauteurs célestes et de sa perception.
ומדרגת משה רבנו עליו השלום היא העולה על כולנה,
Et le rang de Moïse notre maître, puisse-t-il reposer en paix, est celui qui les surpassa tous.
שאמרו עליו: שכינה מדברת מתוך גרונו של משה
[Nos Sages] dirent de lui : « La Chekhina (la Présence divine) parlait à travers la gorge de Moïse ».
L’effacement de Moïse devant D.ieu était tel que les mots qu’il prononçait n’étaient rien d’autre que l’expression du verbe divin. La relation entre la gorge de Moïse et la Chekhina pouvait être comparée à celle de la gorge d’un homme à sa propre parole.
ומעין זה זכו ישראל במעמד הר סיני
Au pied du Mont Sinaï, les juifs eurent le mérite [d’éprouver] un semblant de ce degré d’effacement de soi.
רק שלא יכלו לסבול, כמאמר רז״ל: שעל כל דיבור פרחה נשמתן כו׳, שהוא ענין ביטול במציאות הנ״ל
C’est seulement qu’ils ne purent contenir [une telle révélation] ; comme le disent nos Sages : « à chaque Parole [des Dix Commandements], leur âme prit son envol » et D.ieu la leur restitua au moyen de la « rosée » de la Résurrection. Cela (cette élévation de l’âme) correspondant à l’annulation totale décrite précédemment.
לכן מיד אמר להם לעשות לו משכן ובו קדשי הקדשים להשראת שכינתו, שהוא גילוי יחודו יתברך, כמו שכתוב לקמן
C’est pourquoi, les enfants d’Israël étant incapables de contenir une telle révélation, [D.ieu] leur dit immédiatement de faire pour Lui un sanctuaire, et dedans le « Saint des saints », où reposerait Sa présence, c’est-à-dire la révélation de Son Unité, comme il sera expliqué plus loin.
Dès lors que « la gloire de D.ieu emplit toute la terre », en quoi consistait cette Présence divine dans le sanctuaire ? En fait, le sanctuaire et plus précisément le « Saint des saints » était un lieu de révélation : alors que cette Unité du Divin demeure voilée dans le reste de la Création, il apparaissait à l’évidence, à l’intérieur du « Saint des saints », qu’« il n’est rien d’autre que Lui ». Le sanctuaire était donc pour Israël le vecteur de la révélation de l’Unité divine.
ומשחרב בית המקדש אין להקב״ה בעולמו משכן ומכון לשבתו, הוא יחודו יתברך, אלא ארבע אמות של הלכה
Et depuis la destruction du Temple, le Saint Béni soit-Il n’a en Son monde de sanctuaire et de lieu de résidence pour Lui que « les quatre coudées de la Loi », en d’autres termes, la Thora est le seul lieu d’expression et de révélation de Son Unité.
שהוא רצונו יתברך וחכמתו, המלובשים בהלכות הערוכות לפנינו
Car c’est la Volonté de D.ieu et Sa Sagesse qui sont revêtues des lois dressées devant nous.
La loi tranchée est l’expression de la Volonté divine, et les principes qui la sous-tendent l’expression de Sa Sagesse. La Volonté et la Sagesse divines ne faisant qu’un avec Lui-même (comme expliqué au Chapitre deux), l’unité de D.ieu est donc révélée absolument dans la Thora.
ולכן אחר שיעמיק האדם מחשבתו בענין ביטול הנ״ל כפי יכלתו, זאת ישיב אל לבו
Aussi, après avoir immergé sa pensée, selon sa capacité, sur la question de cette annulation précédemment mentionnée, voici ce qu’il doit répondre à son cœur (c’est-à-dire ce qu’il doit prendre en considération) :
כי מהיות קטן שכלי ושרש נשמתי מהכיל להיות מרכבה ומשכן ליחודו יתברך באמת לאמיתו
« Dès lors que mon intelligence et la source de mon âme sont trop petits pour constituer un char et une demeure pour l’Unité divine, dans l’absolue vérité,
מאחר דלית מחשבה דילי תפיסא ומשגת בו יתברך כלל וכלל שום השגה בעולם
car ma pensée ne peut en aucune façon saisir et appréhender [le Divin] à un quelconque degré de perception en ce monde,
ולא שמץ מנהו מהשגת האבות והנביאים
ne serait-ce un tant soit peu de ce que perçurent les Patriarches et les prophètes, qui, par leur perception du Divin, constituèrent un « char » et une demeure pour Son unité,
אי לזאת אעשה לו משכן ומכון לשבתו,
cela étant, je Lui ferais un sanctuaire et un lieu de résidence d’une manière qui est à ma portée,
הוא העסק בתלמוד תורה כפי הפנאי שלי בקביעות עתים ביום ובלילה
ce qui est le fait de se consacrer à l’étude de la Thora, suivant mon temps libre, en fixant des moments dans la journée et dans la nuit,
כדת הניתנה לכל אחד ואחד בהלכות תלמוד תורה
conformément à la loi donnée à tout un chacun, [énoncée] dans les lois relatives à l’étude de la Thora,
וכמאמר רז״ל: אפילו פרק אחד שחרית כו׳
et conformément à l’enseignement de nos Sages : « Même un chapitre le matin, etc. [et un chapitre le soir] » suffisent à l’accomplissement du précepte de « méditer la Thora jour et nuit » pour qui n’a pas la possibilité de s’y consacrer davantage. Par là je constituerai moi aussi un lieu de résidence pour le Divin. »
ובזה ישמח לבו ויגיל, ויתן הודאה על חלקו בשמחה ובטוב לבב
Par cela, son cœur se réjouira ; il jubilera et adressera pour sa part un remerciement [à D.ieu] avec joie et un cœur enthousiaste,
על שזכה להיות אושפזיכן לגבורה פעמים בכל יום כפי העת והפנאי שלו, כמסת ידו אשר הרחיב ה׳ לו
[qui est] d’avoir mérité d’être « un hôte pour le Tout-Puissant » par l’étude de la Thora, « donnée de la bouche du Tout-Puissant » deux fois par jour, selon le temps libre qu’il a à sa disposition pour l’étude, selon la possibilité que D.ieu lui a attribuée.
ואם ירחיב ה׳ לו עוד, אזי: טהור ידים יוסיף אומץ, ומחשבה טובה כו׳
Et il réfléchit et décide que si D.ieu lui donne encore plus de largesse et de temps pour l’étude, alors « Celui qui a les mains pures redoublera de détermination », c’est-à-dire qu’il dévouera le temps supplémentaire qui lui est alloué à l’étude de la Thora ; et dès lors, « La bonne pensée, [D.ieu l’associe à l’acte effectif]. »
Cette seule décision de consacrer le temps supplémentaire octroyé par D.ieu – jusqu’à l’ensemble de la journée – est assimilée à un acte effectif. En vertu de cette « bonne pensée », il devient, d’une certaine manière, une demeure pour D.ieu non seulement durant le temps qu’il étudie la Thora, mais tout au long de la journée.
וגם שאר היום כולו שעוסק במשא ומתן, יהיה מכון לשבתו יתברך בנתינת צדקה שיתן מיגיעו
Et le reste de la journée entière également, où il est occupé à ses affaires, il sera un lieu de résidence pour D.ieu par la charité qu’il donnera du produit de son labeur.
שהיא ממדותיו של הקב״ה: מה הוא רחום וכו׳, וכמו שכתוב בתיקונים: חסד דרועא ימינא
[Laquelle charité] est l’un des attributs de D.ieu que l’on est enjoint d’imiter, selon la parole des Sages : « De même qu’Il est compatissant… [de même dois-tu être compatissant] », et comme il est écrit dans les Tikounei Zohar : « la bonté est le bras droit de D.ieu » pour ainsi dire. L’usage de l’attribut de bonté permet donc de devenir un réceptacle, une demeure pour l’expression du « bras droit de D.ieu », l’attribut divin correspondant.
ואף שאינו נותן אלא חומש
Et bien qu’il ne donne à la charité qu’un cinquième de ses gains,
Le cinquième correspond à la mesure qui doit au plus être consacrée à la charité. Il équivaut donc a priori à un cinquième de son temps de travail. Comment toute sa journée de travail, constituée aussi des quatre autres cinquièmes, devient-elle à son tour un lieu de résidence pour la Présence divine ?
הרי החומש מעלה עמו כל הארבע ידות לה׳ להיות מכון לשבתו יתברך
ce cinquième donné à la charité élève avec lui toutes les quatre autres parties à D.ieu, pour qu’elles deviennent elles aussi un lieu de résidence pour Lui.
כנודע מאמר רז״ל, שמצות צדקה שקולה כנגד כל הקרבנות
Comme il est connu ce que disent nos Sages, [à savoir] que le précepte de la charité est équivalent à tous les sacrifices.
ובקרבנות, היה כל החי עולה לה׳ על ידי בהמה אחת, וכל הצומח על ידי עשרון סלת אחד בלול בשמן כו׳
Or, concernant les sacrifices, tout le règne animal était élevé vers D.ieu par l’offrande d’un seul animal, et tout le règne végétal par l’offrande d’un dixième de mesure de fine farine mélangée avec de l’huile.
Il en va de même pour la charité : tout le travail de la journée se trouve élevé par le don d’un cinquième consacré à la charité.
ומלבד זה, הרי בשעת התורה והתפלה עולה לה׳ כל מה שאכל ושתה ונהנה מארבע הידות לבריאות גופו, כמו שכתוב לקמן
Et outre cela, tout ce qu’il a consommé et bu et ce dont il a profité des quatre [autres cinquièmes] pour la santé de son corps, se trouve élevé vers D.ieu au moment de [l’étude de] la Thora et de la prière, comme il sera expliqué plus loin.
Il en ressort que même le temps employé pour ces quatre cinquièmes qui constituent un profit personnel dont il n’a pas été fait don à la charité, devient une demeure pour D.ieu par l’étude de la Thora et la prière. Depuis le Chapitre trente et un, le texte a discuté la question de la joie. Celle-ci doit répondre à l’état d’amertume et d’un « cœur brisé » suscité par un bilan spirituel. Différentes formes de joie ont été décrites : la joie qui caractérise le retour de l’âme divine à sa source, libérée de l’exil imposé par le corps et l’âme animale, la joie de la proximité avec D.ieu par la méditation sur Son unité, la joie de voir D.ieu se réjouir de la brisure de la sitra ahara… Le texte montre maintenant que cette joie, sous ses différentes formes d’expression, ne contredit pas l’amertume éprouvée au regard de la situation du corps et de l’âme animale. Bien qu’antagonistes, la joie et l’amertume peuvent coexister parce qu’elles ont des causes bien distinctes.
והנה בכל פרטי מיני שמחות הנפש הנ״ל, אין מהן מניעה להיות נבזה בעיניו נמאס ולב נשבר ורוח נמוכה בשעת השמחה ממש
Or, dans toutes les sortes spécifiques de joie de l’âme évoquées précédemment, il n’y a pas d’empêchement au fait d’être méprisable et répugnant à ses yeux, avec un cœur brisé et un esprit rabaissé, au moment même de la joie.
כי היותו נבזה בעיניו וכו׳, הוא מצד הגוף ונפש הבהמית
Dès lors que le fait qu’il se trouve à ses yeux méprisable [et répugnant]… tient au corps et à l’âme animale,
והיותו בשמחה הוא מצד נפש האלקית וניצוץ אלקות המלובש בה להחיותה, כנזכר לעיל [בפרק ל״א]
alors que le fait qu’il se trouve en joie tient à l’âme divine et à l’étincelle divine qui en est revêtue pour l’animer comme expliqué précédemment (au Chapitre trente et un).
Aussi ces deux émotions contraires peuvent-elles coexister, sans que l’une entrave l’autre, car elles tiennent chacune à une cause différente.
וכהאי גוונא איתא בזהר: בכיה תקיעא בלבאי מסטרא דא, וחדוה תקיעא בלבאי מסטרא דא
Dans le même esprit, il est écrit dans le Zohar : « les pleurs sont logés dans mon cœur d’un côté, et la joie est logée dans mon cœur d’un côté. »
Rabbi Eléazar s’exclama ainsi en entendant l’explication ésotérique donnée par son père, Rabbi Chimon bar Yo’haï, sur la destruction du Temple : il ressentit dès lors plus âprement la gravité de cette tragédie, tout en étant joyeux des secrets de la Thora entendus. Cette phrase du Zohar établit clairement que ces deux émotions, qui résultent de deux causes différentes, peuvent s’exprimer simultanément.
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