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Tanya - Likoutei Amarim - Chapitre 35

Likoutei Amarim Chapitre 35 _______________


En introduction à ce chapitre, il convient de rappeler que le Tanya se fonde sur les termes du verset : « car la chose (la Thora et les commandements) est très proche de toi, dans ta bouche, et dans ton cœur, pour la faire. » Ce verset affirme sans réserve qu’il est « proche », aisé autrement dit, d’accomplir la Thora par le truchement des trois moyens d’expression (désignés aussi comme les « vêtements de l’âme ») que sont la pensée (« ton cœur »), la parole (« ta bouche »), et l’action (« pour la faire »). Dans un sens second, l’expression « dans ton cœur » fait aussi référence aux sentiments d’amour et de crainte de D.ieu. Ils sont eux aussi « très proches de toi », c’est-à-dire à la portée de chacun. Rabbi Chnéour Zalman a relevé, au Chapitre dix-sept, que cette affirmation était tout simplement « contredite par l’expérience ». L’amour et la crainte de D.ieu dans leur sens véritable ne semblent certes pas faciles à acquérir. Il a alors expliqué que la proposition « pour la faire » établit le sens de celle qui la précède (« dans ton cœur ») en qualifiant les sentiments auxquels elle renvoie. Quels sont donc les sentiments d’amour et de crainte de D.ieu qui sont « proches de toi… dans ton cœur » ? Ceux qui mènent à « faire », c’est-à-dire qui motivent l’accomplissement concret des commandements (même si de tels sentiments ne sont pas ressentis dans le cœur comme des émotions révélées). La contemplation intellectuelle de la grandeur de D.ieu engendrera une forme intellectuelle d’« amour » et de « crainte » de D.ieu. Cet « amour » et cette « crainte » intellectuels à leur tour atteindront le cœur (car, par nature, l’intellect domine le cœur). Ainsi le cœur sera-t-il incité à l’accomplissement des commandements. Rabbi Chnéour Zalman a alors continué en expliquant que même celui qui n’a pas la hauteur spirituelle requise pour une telle contemplation peut parvenir à l’amour et la crainte de D.ieu. Il lui faut révéler l’ « amour naturel » enfoui dans son cœur, comme dans le cœur de chaque juif. Cet amour porte également en lui une certaine forme de crainte, celle d’être séparé de D.ieu. Il est donc « très proche », aisé, de servir D.ieu « dans son cœur », c’est-à-dire avec amour et crainte. Cependant, il apparaît, de la formulation du verset « cela est très proche de toi…dans ta bouche, et…ton cœur, pour la faire »), que si l’amour et la crainte de D.ieu sont nécessaires, la réalisation concrète des commandements en constitue la finalité. Dans les chapitres qui suivent, Rabbi Chnéour Zalman explique l’élévation de la dimension concrète des commandements par rapport à une dimension qui semblerait plus « spirituelle ». Il est aussi important de garder présent à l’esprit la définition que Rabbi Chnéour Zalman a donnée du beinoni. Il est celui qui ne se rend coupable d’aucune faute, tant en action qu’en parole ou en pensée. Le mal intrinsèque de l’âme animale, cependant, demeure dans toute sa vigueur. Il reste capable de faire émerger des désirs interdits dans son cœur. C’est seulement au prix d’une vigilance de tout instant que le beinoni empêche l’expression de ces désirs dans l’action, la parole, et la pensée (consciente).


פרק ל״ה


והנה לתוספת ביאור תיבת לעשותו


Et voici, pour expliquer davantage le mot laassoto (« pour la faire »).


La formulation du verset « car la chose est très proche de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, pour la faire », indique que l’accent est mis sur l’action.


וגם להבין מעט מזעיר תכלית בריאת הבינונים


Et aussi pour comprendre un tant soit peu la finalité de la création des beinonim,


Les beinonim ont été créés de telle sorte qu’ils resteront assignés à ce statut, la possibilité de le dépasser ne relevant pas vraiment du libre arbitre de tout un chacun.


וירידת נשמותיהם לעולם הזה להתלבש בנפש הבהמית שמהקליפה וסטרא אחרא


et la finalité de la descente de leurs âmes en ce monde, [où il leur faut] se revêtir de l’âme animale, [âme qui procède] de la klipa et de la sitra a’hara (aux antipodes de l’âme divine),


מאחר שלא יוכלו לשלחה כל ימיהם


dès lors qu’ils ne pourront la chasser toute leur vie durant,


ולדחותה ממקומה מחלל השמאלי שבלב שלא יעלו ממנה הרהורים אל המוח


[ni même] la repousser de sa place dans le côté gauche du cœur, de sorte qu’[aucune de] ses [mauvaises] pensées ne montent vers le cerveau. Même pareille chose n’est pas à leur portée.


כי מהותה ועצמותה של נפש הבהמית שמהקליפה היא בתקפה ובגבורתה אצלם כתולדתה


Car l’être et essence de l’âme animale [qui procède] de la klipa est dans [toute] sa vigueur et toute sa force chez eux, comme à la naissance ;


La lutte menée contre elle n’exerce aucun effet sur sa nature essentielle.


רק שלבושיה אינם מתלבשים בגופם כנזכר לעיל


c’est seulement que ses vêtements c’est-à-dire les mauvaises pensées, paroles, actions de l’âme animale ne se revêtent pas de leur corps comme expliqué plus haut au Chapitre douze. Rabbi Chnéour Zalman y a expliqué que le beinoni ne permet pas l’expression de cette âme animale en pensée, parole ou action.


Cependant, puisque le beinoni, s’il parvient à mettre en échec ses moyens d’expression, ne peut jamais, en dépit des efforts engagés, opérer un quelconque changement dans la nature essentielle de son âme animale, on peut légitimement s’interroger :


ואם כן למה זה ירדו נשמותיהם לעולם הזה ליגע לריק חס ושלום להלחם כל ימיהם עם היצר ולא יכלו לו


S’il en est ainsi, pourquoi donc leurs âmes sont-elles descendues dans ce monde pour peiner en vain, à D.ieu ne plaise, en combattant toute leur vie durant contre le [mauvais] penchant, sans pouvoir avoir raison de lui ?


De fait, on a déjà expliqué que cette lutte permanente menée par le beinoni pour empêcher l’expression de son mauvais penchant en pensée, parole, ou action, suscite un immense plaisir en Haut. Peut-on donc affirmer que cette bataille est vaine ? Mais la question est la suivante : si l’unique finalité de ce combat était le plaisir qu’en retirerait D.ieu, pourquoi l’âme divine devrait-elle se revêtir à l’intérieur de l’âme animale ? Ces deux âmes ne pourraient-elles pas demeurer deux forces opposées et indépendantes, bien distinctes l’une de l’autre, la victoire étant pour l’âme divine l’occasion d’agir seule, sans le biais de sa rivale ? Cependant, dès lors qu’elles se trouvent ainsi enchevêtrées, l’âme animale semble être la principale intéressée. C’est-à-dire qu’au-delà du plaisir divin suscité par la retenue de l’âme animale, un véritable changement est à attendre dans la nature de celle-ci. Et de ce point de vue-là, le combat du beinoni parait en tout état de cause vain, ses efforts étant d’avance voués à l’échec.


ותהי זאת נחמתם לנחמם בכפליים לתושיה ולשמח לבם בה׳ השוכן אתם בתוך תורתם ועבודתם


Que l’explication qui va suivre soit leur consolation, pour les consoler doublement et pour réjouir leur cœur en D.ieu qui réside avec eux dans leur Thora et leur service [divin].


C’est-à-dire que la consolation et la joie devront être, pour eux, trouvées dans la lumière divine qui les habite au moment de l’étude et du service de D.ieu.


והוא בהקדים לשון הינוקא [בזהר פרשת בלק] על פסוק החכם עיניו בראשו


[Il faut pour] cela tout d’abord [éclaircir] ce que dit le Yenouka (dans le Zohar, section Balak) sur le verset : « le sage, ses yeux sont dans sa tête »


וכי באן אתר עינוי דבר נש כו׳ אלא קרא הכי הוא ודאי


Le Zohar interroge : « Où [donc] sont les yeux de l’homme etc. pour que le sage soit ainsi dépeint ? Mais voici donc ce que le verset [signifie] certainement :


דתנן לא יהך בר נש בגילוי׳ דרישא ארבע אמות מאי טעמא דשכינתא שריא על רישיה


on a appris : un homme ne marchera pas quatre coudées la tête découverte. Quelle en est la raison ? Car la Chekhina [la Présence divine] repose sur sa tête.


וכל חכם עינוהי ומילוי ברישיה אינון בההוא דשריא וקיימא על רישיה


Et c’est pourquoi tout homme sage, ses yeux c’est-à-dire son centre d’intérêt et par conséquent sa parole sont [portés] « dans sa tête » c’est-à-dire sur ce (la lumière de la Chekhina) qui repose sur sa tête.


וכד עינוי תמן לנדע דההוא נהורא דאדליק על רישיה אצטריך למשחא


Et dès lors que ses yeux c’est-à-dire toute son attention et son intérêt sont [portés] là-bas, qu’il sache que cette flamme qui brûle sur sa tête c’est-à-dire qui illumine son âme a besoin d’huile.


בגין דגופא דבר נש איהו פתילה ונהורא אדליק לעילא


Car le corps d’un homme est la mèche et la flamme brûle au-dessus,


ושלמה מלכא צוח ואמר ושמן על ראשך אל יחסר


et le roi Salomon s’est écrié et a dit : « que l’huile sur ta tête ne manque pas »,


דהא נהורא דבראשו אצטריך למשחא ואינון עובדאן טבאן


car cette flamme qui est sur sa tête a besoin d’huile, ce que sont les bonnes actions – les bonnes actions accomplies sont l’huile qui maintient la flamme.


ועל דא החכם עיניו בראשו


Et pour cela le sage a ses yeux « dans sa tête » il se soucie et veille constamment à ce qu’il ne manque jamais d’huile à la flamme.


עד כאן לשונו


Fin de la citation [du Zohar].


והנה ביאור משל זה שהמשיל אור השכינה לאור הנר


Or, l’explication de cette image par laquelle [le Zohar] a comparé la lumière de la Chekhina à la lumière d’une lampe,


שאינו מאיר ונאחז בפתילה בלי שמן


qui n’éclaire pas et n’est pas retenue par la mèche sans huile,


וכך אין השכינה שורה על גוף האדם שנמשל לפתילה אלא על ידי מעשים טובים דווקא


et de même la Chekhina ne repose sur le corps de l’homme, comparé à une mèche, qu’au moyen des bonnes actions accomplies par ce dernier,


ולא די לו בנשמתו שהיא חלק אלוה ממעל להיות היא כשמן לפתילה


[tandis que] son âme, qui est une étincelle de D.ieu en Haut, ne lui suffit pas pour servir comme huile pour la mèche,


La nature du feu étant de s’élever vers le haut, il doit impérativement être retenu par une mèche ou par du bois. Cependant, la seule mèche est vite consumée ; de plus, elle produit une flamme assombrie car sa matière n’est pas complètement transformée et absorbée par la flamme. L’huile, quant à elle, se consume parfaitement, donnant une lumière pure et claire. On comprend donc que le corps ne puisse pas lui-même servir d’huile pour la flamme. Car il demeure toujours une entité physique et ne peut pas se fondre dans la lumière de la Chekhina. Une question paraît néanmoins tout à fait légitime : l’âme, elle-même divine, ne pourrait-elle pas remplir ce rôle ? Pourquoi donc recourir aux bonnes actions ?


מבואר ומובן לכל משכיל


« Le sens de cette image », pour reprendre les termes du début de la phrase de Rabbi Chnéour Zalman, est clair et compréhensible pour toute personne intelligente.


Voici, en substance, ce qui va être expliqué : l’âme d’un homme, fut-il un juste parfait, qui sert D.ieu avec la forme la plus haute de crainte et d’amour, ne saurait être complètement effacée devant Lui pour se fondre dans la lumière divine. En effet, la séparation est inhérente à la notion même de sentiments, lesquels présupposent deux entités distinctes : l’une qui aime (ou qui craint) et l’autre qui est aimée (ou crainte). Seules les bonnes actions, les mitsvot, qui ne font qu’un avec le Divin, peuvent donc servir d’huile pour la lumière de la Chekhina qui brille au dessus du juif. Dans les termes du Tanya :


כי הנה נשמת האדם אפילו הוא צדיק גמור עובד ה׳ ביראה ואהבה בתענוגים


Car l’âme de l’homme, même s’il est un juste parfait (tsaddik gamour), qui sert D.ieu avec crainte et « amour dans les délices », forme la plus sublime d’amour, où le délice de la perception du Divin se trouve ressenti,


אעפ״כ אינה בטילה במציאות לגמרי ליבטל וליכלל באור ה׳ ממש להיות לאחדים ומיוחדים ביחוד גמור


néanmoins, [son âme] n’est pas complètement annulée dans son existence pour être véritablement annulée et absorbée dans la lumière de D.ieu [de manière à] être unie et unifiée [avec elle] dans une unité parfaite.


רק הוא דבר בפני עצמו ירא ה׳ ואוהבו


Plutôt, elle est une entité en soi, qui craint D.ieu et qui L’aime. Dès lors qu’elle ne s’efface pas dans la lumière divine à la manière de l’huile consumée par la flamme, l’âme ne peut servir d’huile pour la lumière de la Chekhina.


מה שאין כן המצות ומעשים טובים שהן רצונו ית׳


En revanche, les mitsvot et les bonnes actions sont la Volonté [de D.ieu], c’est Sa Volonté que le juif accomplisse la mitsva.


ורצונו ית׳ הוא מקור החיים לכל העולמות והברואים


Or, Sa volonté, Béni Soit-Il, est la source de la vie pour tous les mondes et [tous] les êtres créés, ceux-ci ne vivent qu’en vertu de la volonté de D.ieu de leur donner vie.


שיורד אליהם על ידי צמצומים רבים והסתר פנים של רצון העליון ב״ה וירידת המדרגות


La différence entre la Volonté divine exprimée dans les mitsvot et la même Volonté telle qu’elle s’exprime dans la création est que dans ce dernier cas, [la Volonté divine] descend à eux au moyen de nombreuses contractions (tsimtsoumim) et [au moyen de] la dissimulation de la Face c’est-à-dire de la dimension intérieure, profonde, de la Volonté suprême et seule la dimension extérieure, superficielle, de la Volonté divine se manifeste dans la création, et cela même par une descente de niveaux,


עד שיוכלו להתהוות ולהבראות יש מאין ודבר נפרד בפני עצמו


jusqu’à ce que [les mondes et les créatures] puissent venir à l’être et être créés ex nihilo et [en tant qu’]entité distincte en soi,


ולא יבטלו במציאות כנזכר לעיל


et qu’ils ne soient pas annulés dans leur existence, comme expliqué plus haut aux Chapitres vingt et un et vingt-deux.


Sans ces étapes de dissimulation du Divin, les créatures ne pourraient exister en tant qu’êtres distincts, conscients de leur identité : elles seraient « annulées dans leur existence ». C’est seulement au terme de cette dissimulation de la « Volonté suprême » et des nombreuses contractions précédemment évoquées de sa dimension la plus extérieure que pareille création est possible.


מה שאין כן המצות שהן פנימית רצונו יתברך ואין שם הסתר פנים כלל


En revanche, les mitsvot sont, quant à elles, l’intériorité de Sa Volonté, Béni Soit-Il, sans aucune dissimulation de la Face (de la dimension profonde de la Volonté divine). Les mitsvot sont cette Volonté-là même, la finalité de l’œuvre de la création.


Illustrons cette idée par un exemple : un homme s’engage dans un commerce afin de réaliser un gain pour subvenir aux besoins de sa famille. Dans pareil cas, son seul véritable souhait est d’entretenir sa famille. C’est pour permettre la réalisation de celui-ci qu’il trouve la volonté de travailler et de réussir. Ainsi cette dernière volonté est-elle seulement « extérieure », « superficielle », c’est-à-dire subordonnée à sa volonté principale. De même, le projet divin réside dans l’accomplissement des commandements par Israël. La Volonté divine de donner le jour à l’œuvre de la création est donc qualifiée d’« extérieure » dans le sens où elle est subordonnée à une autre Volonté, « intérieure », dont elle est le résultat.


אין החיות שבהם דבר נפרד בפני עצמו כלל


Parce que les mitsvot représentent la vraie Volonté de D.ieu, sans occultation, la vitalité qui est en elles n’est absolument pas une chose distincte en soi,


אלא הוא מיוחד ונכלל ברצונו יתברך והיו לאחדים ממש ביחוד גמור


[au contraire,] elle est unifiée [avec] la Volonté divine et absorbée dans [celle-ci], et ils ne font qu’un dans une parfaite unité.


On comprend donc à présent l’image du Zohar : seules les mitsvot peuvent servir d’huile pour la Chekhina. Seules en effet, les mitsvot, à la manière de l’huile qui se consume et disparaît dans l’éclat de la flamme, se fondent parfaitement dans la lumière de la Volonté divine (et par leur biais, l’âme divine, mais aussi la faculté d’action du corps physique, telle l’énergie de la main qui met les téfiline ou qui porte l’étrog, se trouvent parfaitement unies à cette Volonté, comme il sera expliqué plus loin). Pour autant, ne serait-il pas possible de recevoir la Chekhina par le travail spirituel de l’âme, quant à son amour et à son attachement à D.ieu ?


והנה ענין השראת השכינה הוא גילוי אלהותו יתברך ואור אין סוף ברוך הוא באיזה דבר


Or, [dire] que la Chekhina repose [sur quelque chose] signifie la révélation du Divin et de la lumière du Ein Sof dans cette chose.


Il n’est ici question que d’une révélation : l’idée selon laquelle la Chekhina repose sur un objet défini n’entre donc pas en conflit avec l’idée de l’Omniprésence de D.ieu.


והיינו לומר שאותו דבר נכלל באור ה׳ ובטל לו במציאות לגמרי


Cela veut dire que cette chose est absorbée dans la lumière divine et complètement « annulée dans son existence » devant elle,


שאז הוא ששורה ומתגלה בו ה׳ אחד


car c’est alors que le D.ieu Un repose et se révèle dans [cette chose] ;


אבל כל מה שלא בטל אליו במציאות לגמרי אין אור ה׳ שורה ומתגלה בו


mais dans tout ce qui n’est pas complètement « annulé dans son existence » devant elle, la lumière divine ne repose pas et ne se révèle pas.


באמתואף צדיק גמור שמתדבק בו באהבה רבה הרי לית מחשבה תפיסא ביה כלל


Et même [dans le cas d’]un tsaddik parfait, qui s’attache à D.ieu avec un « immense amour », un niveau sublime d’amour de D.ieu et d’attachement à Lui, il reste qu’« aucune pensée ne peut Le saisir avec vérité ».


כי אמיתת ה׳ אלקים אמת הוא יחודו ואחדותו שהוא לבדו הוא ואפס בלעדו ממש


Car la véritable [signification de] « L’Eternel D.ieu est vrai » est Son unité et Son Unicité, [à savoir] que Lui seul est et il n’est rien en dehors de Lui.


Comme expliqué au Chapitre vingt, la notion de l’unité de D.ieu ne se résume pas à l’existence d’un seul D.ieu ; on entend en réalité exclure toute autre existence que Lui, car tous les êtres sont dans leur essence même annulés devant Lui.


ואם כן זה האוהב שהוא יש ולא אפס לית מחשבה דיליה תפיסא ביה כלל


Ainsi donc, celui-là le tsaddik évoqué plus haut qui aime [D.ieu] et qui est [donc] un « être » (n’est-ce pas lui qui aime D.ieu ?) et non « néant », sa pensée ne peut aucunement Le saisir (il ne peut en aucune façon lui-même avec ses propres facultés saisir le Divin),


ואין אור ה׳ שורה ומתגלה בו אלא ע״י קיום המצות שהן רצונו וחכמתו ית׳ ממש בלי שום הסתר פנים


et la lumière de D.ieu ne repose pas et ne se révèle pas en lui, si ce n’est au moyen de l’accomplissement des commandements, qui sont Sa Volonté et Sa Sagesse véritablement, sans aucune « dissimulation de la Face ».


Parce que la dimension profonde de la Volonté divine n’est révélée que dans les mitsvot, c’est uniquement par leur accomplissement que la lumière de la Chekhina peut demeurer au-dessus d’un homme.


הגהה


NOTE


A propos de ce qui vient d’être dit concernant la révélation de la lumière du Ein Sof, qui n’est possible que là où l’effacement est total, Rabbi Chnéour Zalman fait remarquer :


[וכאשר שמעתי ממורי עליו השלום פירוש וטעם למה שנאמר בעץ חיים שאור אין סוף ברוך הוא אינו מתייחד אפילו בעולם האצילות אלא על ידי התלבשותו תחלה בספירת חכמה


Et comme j’ai entendu de mon maître (le Maguid de Mézritch), puisse son âme reposer en paix, une explication et une raison à ce que est écrit dans le Ets ‘Haïm, [à savoir] que la lumière du Ein Sof ne s’unifie pas même avec le monde d’Atsilout, si ce n’est en se revêtant au préalable de la Séfira de ‘Hokhma,


C’est seulement alors que l’unification avec Atsilout est possible. Sur ce point, le Maguid a donné une « explication » et une « raison ». Une explication quant à la notion même de la lumière du Ein Sof qui se revêt de la Séfira de ‘Hokhma, et une raison au fait que l’unification de la lumière du Ein Sof, fût-ce avec Atsilout, ne peut avoir lieu qu’à travers la Séfira de ‘Hokhma.


והיינו משום שאין סוף ברוך הוא הוא אחד האמת שהוא לבדו הוא ואין זולתו וזו היא מדרגת החכמה וכו׳]


c’est parce que le Ein Sof est « le vrai Un », ce qui signifie que Lui seul est et il n’est rien en dehors de Lui ; et c’est cela [précisément] le niveau de ‘Hokhma.


L’attribut de ‘Hokhma représente la perception du Divin comme seule existence. Voici donc « l’explication » : dire que la lumière du Ein Sof « se revêt » de l’attribut de ‘Hokhma signifie que la lumière du Ein Sof se révèle tel « qu’Il est Un et il n’est nul autre que Lui ». Et c’est « la raison » pour laquelle l’unification avec la lumière du Ein Sof n’est possible qu’au travers de ‘Hokhma ; car, comme expliqué précédemment, D.ieu ne réside que là où Son Unité et Son Unicité trouvent écho. (Cette note renvoie à un concept subtil de la pensée ‘hassidique qui sera mieux compris dans la suite de l’étude.)


סוף הגהה


FIN DE LA NOTE


L’unicité des mitsvot en tant qu’elles constituent de l’huile pour la Chekhina est désormais établie. Ni l’âme divine même, ni ses émotions spirituelles ne permettent de recevoir cette révélation de la Chekhina. Rabbi Chnéour Zalman va maintenant faire une distinction au sein même des mitsvot. Les mitsvot accomplies par la pensée et la parole appellent la révélation de la Chekhina sur l’âme divine seulement. Mais pareille révélation ne peut atteindre l’âme animale et le corps que par le biais des mitsvot maassiot, c’est-à-dire celles qui impliquent une action physique qui puise dans les ressources du corps et de l’âme animale qui l’anime.


והנה כשהאדם עוסק בתורה אזי נשמתו שהיא נפשו האלהית עם שני לבושיה הפנימים לבדם שהם כח הדבור ומחשבה


Quand un homme étudie la Thora, alors sa néchama, qui est son âme divine, avec ses deux vêtements intérieurs seulement, que sont la faculté de parole et de pensée,


La pensée, intimement liée à l’âme, en est le vêtement intérieur ; c’est du reste la raison pour laquelle la pensée, comme l’âme, se trouve en constante activité. La parole est elle aussi un vêtement intérieur, comparée à la faculté d’action qui s’exerce sur des objets extérieurs à la personne. Pour en revenir au texte, lorsque un homme est versé dans l’étude de la Thora, alors l’âme divine avec ses deux vêtements « intérieurs »


נכללות באור ה׳ אין סוף ברוך הוא ומיוחדות בו ביחוד גמור


sont absorbés dans la lumière de D.ieu, le Ein Sof, béni soit-Il, et sont unifiés avec elle dans une parfaite unité.


והיא השראת השכינה על נפשו האלהית כמאמר רז״ל שאפילו אחד שיושב ועוסק בתורה שכינה עמו


C’est « la Chekhina qui repose sur son âme divine », comme l’ont dit nos Sages : « même un seul [homme] qui est assis et étudie la Thora, la Chekhina est avec lui », repose sur lui, c’est-à-dire sur son âme divine et ses facultés de pensée et parole engagées dans cette étude.


אך כדי להמשיך אור והארת השכינה גם על גופו ונפשו הבהמית שהיא החיונית המלובשת בגופו ממש


Toutefois, pour attirer la lumière et le reflet de la Chekhina sur son corps et son âme animale qui est [l’âme] vitale revêtue de son corps véritablement et lui donnant cette vie de chair,


צריך לקיים מצות מעשיות הנעשים על ידי הגוף ממש


[l’homme] doit accomplir les mitsvot pratiques qui sont réalisées (avec la faculté d’action) au moyen du corps vraiment.


שאז כח הגוף ממש שבעשיה זו נכלל באור ה׳ ורצונו ומיוחד בו ביחוד גמור


Alors, la force du corps vraiment qui se trouve dans cette action par exemple, lorsque l’on met les téfiline, la force physique du corps meut la main par l’intermédiaire de laquelle elle accomplit cette mitsva ; cette force est donc partie intégrante de la mitsva et, par conséquent, elle est absorbée dans la lumière divine et Sa Volonté, et est unifiée avec elle dans une parfaite unité.


והוא לבוש השלישי של נפש האלהית


Et elle (la force du corps) est le troisième vêtement de l’âme divine. Comme expliqué au Chapitre quatre, les mitsvot pratiques sont accomplies par le vecteur du troisième vêtement de l’âme divine, celui de l’action.


ואזי גם כח נפש החיונית שבגופו ממש שמקליפת נוגה


Et alors, (quand la faculté d’action est absorbée et unie avec la Volonté divine,) la force de l’âme vitale aussi, qui est revêtue dans le corps véritablement, [laquelle âme procède] de la klipat noga,


נתהפך מרע לטוב ונכלל ממש בקדושה כנפש האלהית ממש


se trouve transformée de mal en bien et est vraiment absorbée dans la sainteté, comme l’âme divine véritablement,


מאחר שהוא הוא הפועל ועושה מעשה המצוה


étant donné que c’est elle (la force de l’âme animale) qui agit et accomplit l’acte de la mitsva.


C’est de l’âme divine que vient certes la détermination à accomplir les mitsvot. Mais cette âme ne peut influencer directement le corps pour qu’il effectue des actes matériels comme la mise des téfiline. C’est l’âme vitale qui joue un rôle d’intermédiation entre l’âme divine et le corps, en sorte que ce dernier réagit à l’impulsion de l’âme divine.


שבלעדו לא היתה נפש האלהית פועלת בגוף כלל כי היא רוחניית והגוף גשמי וחומרי


Car sans elle (cette force de l’âme vitale), l’âme divine n’aurait aucunement agi sur le corps, dès lors qu’elle est spirituelle [tandis que] le corps est physique et grossier.


והממוצע ביניהם היא נפש החיונית הבהמית המלובשת בדם האדם שבלבו וכל הגוף


Et l’intermédiaire entre eux est l’âme vitale animale qui est revêtue du sang de l’homme dans son cœur et dans tout le corps.


Dès lors que l’âme animale fait la transition entre l’âme divine et le corps et que c’est par son truchement que l’âme divine agit sur ce dernier et accomplit la mitsva, la force de l’âme animale se trouve également absorbée dans la sainteté à ce moment-là.


ואף שמהותה ועצמותה של נפש הבהמית שבלבו, שהן מדותיה הרעות, עדיין לא נכללו בקדושה


Et bien que l’être et essence de l’âme animale qui est dans son cœur, c’est-à-dire ses mauvaises middot (ses mauvais traits de caractère), n’aient pas encore été absorbés dans la sainteté,


Seuls les vêtements de l’âme animale, c’est-à-dire ses facultés d’expression que sont la pensée, la parole et l’action, qui sont mises au service de la mitsva, sont absorbées dans la sainteté et non les middot (seuls les tsaddikim sont capables d’une transformation de l’âme animale dans son essence même, comme expliqué au Chapitre douze).


מכל מקום מאחר דאתכפין לקדושה ובעל כרחן עונין אמן


néanmoins, dès lors que [les mauvaises middot] sont « pliées à la sainteté » et qu’elles répondent malgré elles « Amen » à ce qu’entreprend l’âme divine,


ומסכימין ומתרצין לעשיית המצוה


donnant leur accord et leur consentement à l’accomplissement de la mitsva,


על ידי התגברות נפשו האלהית שבמוח ששליט על הלב


par le fait du raffermissement de l’âme divine dans le cerveau qui gouverne le cœur,


Comme expliqué au Chapitre douze, bien que les émotions chez le beinoni n’aient pas été changées en bien, il a néanmoins la force de les maîtriser par son esprit, grâce à la méditation sur la grandeur de D.ieu, et ainsi d’orienter son cœur vers la pratique concrète des commandements.


והן בשעה זו בבחי׳ גלות ושינה כנזכר לעיל


et [les mauvaises middot] sont à ce moment-là (où l’âme divine réfléchit à la grandeur de D.ieu) dans un état d’ « exil » et de « sommeil », c’est-à-dire d’inactivité, comme expliqué précédemment au Chapitre douze,


ולכך אין זו מניעה מהשראת השכינה על גוף האדם בשעה זו


et c’est pourquoi cela n’est pas une entrave à ce que la Chekhina repose sur le corps de la personne à ce moment-là.


Le texte décrit à présent comment la Chekhina repose sur le corps tout entier par le biais d’une mitsva.


דהיינו שכח נפש החיונית המלובש בעשיית המצוה


C’est-à-dire que la force de l’âme vitale qui est revêtue dans l’accomplissement de la mitsva, par exemple, la force de la main qui met les tefiline,


הוא נכלל ממש באור ה׳ ומיוחד בו ביחוד גמור


est vraiment absorbée dans la lumière divine et est unifiée avec elle dans une parfaite unité.


ועל ידי זה ממשיך הארה לכללות נפש החיונית שבכל הגוף וגם על הגוף הגשמי


Et par cela il attire un reflet de la lumière divine sur l’ensemble de l’âme vitale qui est dans tout le corps et aussi sur le corps matériel.


De quelle manière ce « reflet » se manifeste-t-il sur le corps et sur l’âme animale ?


בבחינת מקיף מלמעלה מראשו ועד רגליו


de manière « enveloppante (makif) d’en haut », les entourant « de la tête aux pieds ».


וזה שנאמר ושכינתא שריא על רישיה על דייקא


Et c’est là ce que dit (le Zohar cité au début du chapitre) : « la Chekhina repose sur sa tête », « sur » précisément, ce qui dénote l’idée d’une lumière transcendante,


וכן אכל בי עשרה שכינתא שריא


Et de même [faut-il comprendre l’expression des Sages] : « sur toute [assemblée de] dix [juifs] la Chekhina repose » qui signifie pareillement que la lumière de la Chekhina n’est pas perçue en eux, elle les « enveloppe », les transcende.


Il apparaît donc que la Chekhina se manifeste différemment suivant qu’il s’agit de l’âme divine, de la force particulière de l’âme vitale engagée dans l’accomplissement d’une mitsva, de l’âme animale en général, ou encore du corps physique lui-même (que la lumière de la Chekhina ne fait qu’envelopper »). Concernant ce dernier niveau, plusieurs subdivisions peuvent être distinguées : la présence de la Chekhina suscitée par l’accomplissement d’une mitsva, cette présence autour d’une assemblée de dix juifs qui ne sont pas occupés à une mitsva, et peut-être est-il aussi possible de parler de la présence de la Chekhina autour d’un seul individu qui n’est pas occupé à une mitsva. Le texte anticipe ici une éventuelle question et explique que cette multiplicité de degrés de manifestation n’implique ni changement, ni pluralité au sein de la lumière divine. Les différences n’existent qu’au regard de ceux qui la reçoivent.


והנה כל בחינת המשכת אור השכינה שהיא בחינת גילוי אור אין סוף ברוך הוא


Or, chaque forme de diffusion de la lumière de la Chekhina, c’est-à-dire de révélation de la lumière du Ein Sof,


אינו נקרא שינוי חס ושלום בו יתברך ולא ריבוי


[cette révélation] ne [peut] être qualifiée de changement en Lui, ni de pluralité.


כדאיתא בסנהדרין דאמר ליה ההוא מינא לרבן גמליאל אמריתו כל בי עשרה שכינתא שריא כמה שכינתא אית לכו


Comme dit le Talmud dans le traité Sanhédrine : un certain hérétique dit à Rabban Gamliel : « Vous dites que la Chekhina repose sur chaque [assemblée de] dix. Combien de Chekhina avez-vous ? »


והשיב לו משל מאור השמש הנכנס בחלונות רבים כו׳


[Rabban Gamliel] lui répondit par l’analogie de la lumière du soleil qui pénètre à travers plusieurs fenêtres...


C’est une lumière unique qui traverse la multitude des fenêtres. Ainsi lorsque la lumière brille à travers des vitraux de teintes différentes prend-elle l’apparence de la couleur des vitraux. Pour aurant, la lumière elle-même demeure inchangée. Les seules différences n’existent qu’aux yeux de ceux qui la reçoivent. Il en est de même quant aux différentes formes de manifestation de la Chekhina. C’est une lumière unique qui demeure sans qu’aucune modification ne l’atteigne ; la différence ne réside que dans la manière dont elle est reçue.


והמשכיל יבין:


Et l’homme avisé comprendra.


Les ‘Hassidim avaient coutume d’ajouter à l’expression « et l’homme avisé comprendra » : « et celui qui s’adonne ardemment au service de D.ieu percevra », ce qui est une étape supplémentaire, supérieure à celle de la seule compréhension.

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