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Tanya - Likoutei Amarim - Chapitre 39

Likoutei Amarim Chapitre 39 _______________


Dans le précédent chapitre, Rabbi Chnéour Zalman a expliqué la comparaison que font nos Sages entre l’acte concret d’une mitsva et un corps d’une part, entre la kavana (l’intention qui anime cet accomplissement) et une âme d’autre part. Deux formes de kavana, correspondant aux deux catégories d’êtres animés par une âme, l’animal et l’homme, peuvent être distinguées. Le plus haut degré de kavana résulte d’une méditation intellectuelle sur la grandeur de D.ieu. Cette méditation éveille dans le cœur des sentiments d’amour et de crainte qui ont pour corollaire la volonté de s’attacher à Lui. Or, cette volonté détermine l’observance de la Thora et des commandements par laquelle elle peut effectivement s’accomplir. C’est cette volonté qui est alors la kavana de celui qui observe la Thora et les commandements. Une telle kavana, née d’un acte volontaire, est comparable à l’âme de l’homme, être doué de discernement et du libre arbitre. Le degré inférieur de kavana procède de l’éveil de l’amour et de la crainte innés de l’âme à l’égard de D.ieu. Une telle kavana est semblable à l’âme de l’animal, gouverné par son instinct naturel. Rabbi Chnéour Zalman ouvre le Chapitre trente-neuf en analysant la raison pour laquelle les anges, dont les sentiments de crainte et d’amour de D.ieu sont naturels, sont appelés métaphoriquement des « animaux ».


פרק ל״ט


ומפני זה גם כן נקראים המלאכים בשם חיות ובהמות, כדכתיב: ופני אריה אל הימין וגו׳ ופני שור מהשמאל וגו׳


Et pour cela les anges aussi sont qualifiés de « bêtes » et d’« animaux », ainsi qu’il est dit : « et la face d’un lion sur la droite du char céleste, etc. et la face d’un bœuf à la gauche, etc. »


Les anges qui composent le char divin portant le « trône céleste » sont donc désignés par des noms d’animaux (lion, bœuf). Pourquoi ?


לפי שאינם בעלי בחירה, ויראתם ואהבתם היא טבעית להם, כמו שכתוב ברעיא מהימנא, פרשת פינחס


Car ils ne possèdent pas le libre arbitre le pouvoir de choisir entre le bien et le mal, dont l’homme est doué. Et leur crainte et leur amour de D.ieu sont naturels chez eux et n’ont pas besoin d’être engendrés par la réflexion, comme il est écrit dans le Raya Méhemna (Section Pin’has). Leur amour et leur crainte de D.ieu étant naturels et instinctifs, ils sont comparés à des animaux.


ולכן מעלת הצדיקים גדולה מהם, כי מדור נשמות הצדיקים הוא בעולם הבריאה, ומדור המלאכים בעולם היצירה


C’est pourquoi la grandeur des tsaddikim est supérieure à la leur : car la demeure des âmes des tsaddikim est dans le monde de Bria (Création), alors que la demeure des anges est dans le monde de Yétsira (Formation) qui est inférieur (*).


Comme il va être expliqué, l’amour et la crainte intellectuels sont rattachés au monde spirituel de Bria, monde de la connaissance et de la compréhension. L’amour et la crainte naturels et instinctifs sont, quant à eux, rattachés au monde spirituel de Yétsira, monde des émotions. Mais avant de poursuivre son explication, Rabbi Chnéour Zalman apporte une nuance à ce qui vient d’être dit en notant que le rapport établi entre les anges et le monde de Yétsira concerne les anges « ordinaires ». Il existe cependant une catégorie d’anges plus élevés qui appartiennent au monde de Bria, car leur service de D.ieu résulte de leur perception aiguë de la Divinité.


הגהה


NOTE


והיינו בסתם מלאכים, אבל יש מלאכים עליונים בעולם הבריאה, שעבודתם בדחילו ורחימו שכליים


Cela concerne seulement les anges ordinaires. Mais il y a des anges supérieurs dans le monde de Bria, dont le service [de D.ieu] relève de la crainte et de l’amour intellectuel,


כמו שכתוב ברעיא מהימנא שם, שיש שני מיני חיות הקדש, טבעיים ושכליים, וכמו שכתוב בעץ חיים


ainsi qu’il est écrit dans le Raya Méhemna, ibid., il existe deux sortes de saints ‘Hayot, [ceux dont l’amour et la crainte de D.ieu sont] naturels et [ceux dont les sentiments sont] intellectuels, comme cela est expliqué dans le Ets ‘Haïm.


סוף הגהה


FIN DE LA NOTE


En résumé, la demeure des âmes des tsaddikim, qui servent D.ieu avec des émotions suscitées par la réflexion intellectuelle, se situe dans le monde de Bria, alors que la demeure des anges inférieurs, dont l’amour et la crainte sont purement naturels, se situe dans le monde de Yétsira. Rabbi Chnéour Zalman montre à présent le lien entre amour et crainte nés de l’intellect et le monde de Bria d’une part, amour et crainte naturels et le monde de Yétsira d’autre part.


והבדל שביניהם הוא


La différence entre [les mondes de Bria et Yétsira] est que :


כי בעולם היצירה, מאירות שם מדותיו של אין סוף ברוך הוא לבדן, שהן אהבתו ופחדו ויראתו כו׳


dans le monde de Yétsira, seules les middot (attributs émotionnels) du Ein Sof brillent, à savoir l’amour [de D.ieu], la peur et la crainte de Lui… (c’est-à-dire les Séfirot de ‘Hessed, la bonté qui correspond à l’amour, Guevoura, la sévérité qui correspond à la crainte et la peur, et les autres middot),


וכמו שכתוב [בתיקונים ועץ חיים] דשית ספירין מקננין ביצירה


ainsi qu’il est écrit (dans les Tikounei Zohar et dans le Ets ‘Haïm) : les six Séfirot (c’est-à-dire les six middot ou facultés émotionnelles, depuis ‘Hessed jusqu’à Yessod) « nichent » (c’est-à-dire brillent) dans le monde de Yétsira.


Car les quatre Partsoufim (visages) du monde d’Atsilout, que sont a) ‘Hokhma, b) Bina, c) Zeer Anpine (les middot) et d) Malkhout, brillent chacun respectivement dans les quatre mondes Atsilout, Bria, Yétsira, Assia, constituant le principe divin de chacun de ces mondes. Ainsi, le monde d’Atsilout est celui de l’annulation totale devant le Divin qui y est perçu comme seule et unique existence. Cette perception relève de ‘Hokhma, comme expliqué dans la note du Tanya au Chapitre trente-cinq. Dans le monde de Bria (appelé « Monde du trône » en référence au trône céleste dans la vision du char divin d’Ezéchiel), brille la Séfira de Bina : il s’agit donc du monde de la compréhension, qui distingue les âmes et les anges qui sont issus de ce monde. Les six middot qui brillent dans le monde de Yétsira en font le monde des émotions : le service de D.ieu des anges et âmes de ce monde est donc caractérisé par son intensité émotionnelle. Enfin, la Séfira de Malkhout, l’attribut de souveraineté divine laquelle suscite la soumission de ses sujets, brille dans le monde d’Assia : le service de D.ieu y consiste donc en l’acceptation du joug divin. Pour en revenir au texte, les attributs divins (middot) prédominent dans le monde de Yétsira.


ולכן זאת היא עבודת המלאכים, תמיד יומם ולילה לא ישקוטו, לעמוד ביראה ופחד וכו׳


C’est pourquoi, tel est le service des anges qui appartiennent au monde de Yétsira : il consiste à se tenir avec crainte et peur [de D.ieu] continuellement, jour et nuit, sans jamais cesser.


והיינו כל מחנה גבריאל, שמהשמאל


Cela [concerne] tout le camp des anges de Gabriel, qui est sur la « gauche ». La « gauche » représente l’attribut de Guevoura, qui évoque la crainte et la peur.


ועבודת מחנה מיכאל היא האהבה כו׳


Et le service du camp des anges de Mikhaël, consiste en l’amour [de D.ieu]…


Etant donné que les émotions prédominent dans ce monde, le service divin des créatures qui appartiennent à Yétsira relève aussi de l’émotion.


אבל בעולם הבריאה מאירות שם חכמתו ובינתו ודעתו של האין סוף ברוך הוא, שהן מקור המדות, ואם ושרש להן


Mais dans le monde de Bria, brillent les ‘Hokhma, Bina et Daat (facultés intellectuelles) du Ein Sof, qui sont la source des facultés émotionnelles, leur « mère » et leur racine,


וכדאיתא בתקונים דאימא עילאה מקננא בתלת ספירן בכרסיא, שהוא עולם הבריאה


ainsi qu’il est écrit dans les Tikounei Zohar, Ima Ilaa (littéralement : « La Mère supérieure », appellation qui fait référence à la Séfira de Bina du monde d’Atsilout) « niche », c’est-à-dire illumine dans « le Trône » c’est-à-dire le monde de Bria, avec les trois Séfirot que sont ‘Hokhma, Bina et Daat du monde d’Atsilout.


ולכן הוא מדור נשמות הצדיקים, עובדי ה׳ בדחילו ורחימו הנמשכות מן הבינה ודעת דגדולת אין סוף ברוך הוא


Et par conséquent dès lors que les facultés intellectuelles (‘HaBaD) du Ein Sof illuminent le monde de Bria, il est la demeure des âmes des tsaddikim qui servent D.ieu avec une crainte et un amour qui procèdent de la compréhension et de la connaissance de la grandeur du Ein Sof ;


שאהבה זו נקרא רעותא דלבא, כנזכר לעיל


cet amour est appelé réouta déliba (« volonté, désir du cœur », il s’agit là d’un désir engendré par l’intellect, par opposition à la volonté qui se place au-dessus de la réflexion), comme dit plus haut.


ומרעותא דלבא נעשה לבוש לנשמה בעולם הבריאה, שהוא גן עדן העליון,


Et de cette volonté du cœur se forme un vêtement pour l’âme dans le monde de Bria, qui est le Jardin d’Eden supérieur,


Le plaisir offert par le Jardin d’Eden – où « les justes sont assis et profitent du rayonnement de la Chekhina » – consiste en la perception de la grandeur de D.ieu et récompense le travail spirituel (rattaché à la compréhension et la méditation) de réouta déliba.


כדלקמן, וכמו שכתוב בזהר, ויקהל


comme il sera expliqué par la suite, et ainsi qu’il est écrit dans le Zohar, [Section] Vayakel.


Rabbi Chnéour Zalman précise maintenant ce qui vient d’être dit : la place des âmes des tsaddikim dans le monde de Bria ne se rapporte pas à l’âme dans son ensemble, mais seulement à la dimension de néchama qui est en elle (niveau le plus élevé parmi les trois niveaux d’âme : néfech, roua’h et néchama). Le niveau de néchama se rapporte à l’intellect (selon le verset : « le souffle (néchama) du Tout-Puissant les rend intelligent »), plus précisément, au degré supérieur de perception intellectuelle (selon la terminologie kabbalistique : Mo’hine deGadlout) du Divin. Cette perception du Divin qui relève du niveau de néchama ne fait pas appel à des analogies ou à des termes anthropomorphiques : elle est par conséquent qualifiée de « supérieure » et les émotions qui en résultent sont, elles aussi, essentiellement intellectuelles. Le service de D.ieu qui appartient au niveau de néchama se rattache donc au monde de Bria, monde de l’intellect, qui accueille dès lors le niveau de néchama des tsaddikim. Le niveau de roua’h de l’âme de ces tsaddikim, en revanche, dont le travail est essentiellement celui des émotions (amour et crainte de D.ieu), trouve sa place dans le monde émotionnel de Yétsira.


אך היינו דווקא נשמות ממש


Toutefois, ce qui vient d’être dit, concernant la demeure des âmes des tsadddikim en Bria, s’applique seulement aux néchamot véritablement, c’est-à-dire au niveau d’âme de néchama,


שהן בחינת מוחין דגדלות אין סוף ברוך הוא


qui consistent en une « perception intellectuelle supérieure » (Mo’hine deGadlout) du Ein Sof.


אבל בחינת הרוח של הצדיקים


Mais le niveau de roua’h de ces tsaddikim (qui se rattache aux émotions),


וכן שאר כל נשמות ישראל, שעבדו את ה׳ בדחילו ורחימו המסותרות בלב כללות ישראל


ainsi que toutes les autres âmes d’Israël, qui servent D.ieu avec la crainte et l’amour innés dissimulés dans le cœur de tout Israël, et non avec des sentiments engendrés par l’intellect,


אין עולות לשם רק בשבת וראש חודש לבד


ne s’élèvent [au Jardin d’Eden supérieur du monde de Bria] que le chabbat et jour de Néoménie uniquement,


דרך העמוד שמגן עדן התחתון לגן עדן העליון, שהוא עולם הבריאה, הנקרא גן עדן העליון


par le biais du pilier [qui s’élève] du Jardin d’Eden inférieur (Yétsira) au Jardin d’Eden supérieur,


להתענג על ה׳ וליהנות מזיו השכינה


pour se délecter en D.ieu et tirer profit du rayonnement de la Chekhina.


Un tel plaisir dans le Divin existe essentiellement dans le Jardin d’Eden supérieur, du monde de Bria, dans la mesure où le plaisir que l’âme y éprouve vient de sa perception et de sa compréhension du Divin selon ses capacités.


כי אין הנאה ותענוג לשכל נברא אלא במה שמשכיל ומבין ויודע ומשיג בשכלו ובינתו


Car l’intellect d’un être créé n’a de profit et de plaisir que de ce qu’il comprend avec ses facultés de ‘Hokhma, Bina et Daat (auxquelles renvoient les trois expressions ici employées par le Tanya : « ce qu’il conçoit, comprend et connaît »),


מה שאפשר לו להבין ולהשיג מאור אין סוף ברוך הוא,


selon ce qu’il lui est possible de comprendre et de saisir de la lumière du Ein Sof,


על ידי חכמתו ובינתו יתברך המאירות שם, בעולם הבריאה


au moyen des [attributs de] ‘Hokhma et Bina [de D.ieu] (c’est-à-dire des Séfirot de ‘Hokhma et Bina du monde d’Atsilout, qui sont rattachées à D.ieu), qui brillent là dans le monde de Bria.


Dans le monde de Bria, brillent les Séfirot de ‘Hokhma et Bina d’Atsilout, ce qui permet aux âmes qui se trouvent dans le Jardin d’Eden supérieur de percevoir et de saisir la lumière du Ein Sof, suscitant leur plaisir. Ainsi les autres âmes peuvent-elles, elles aussi, se délecter de la perception du Divin.


ומה שזוכות נשמות אלו לעלות למעלה מהמלאכים,


Et ce pourquoi ces âmes (dont le service de D.ieu était empreint d’un amour et d’une crainte naturels) méritent de s’élever plus haut que les anges,


Comme dit plus haut, le service spirituel des anges est essentiellement émotionnel et ils appartiennent pour cette raison au monde de Yétsira. Ils n’ont cependant pas le privilège de connaître une élévation dans le monde de Bria comme les âmes,


אף שעבדו בדחילו ורחימו טבעיים לבד


bien que [ces âmes elles aussi] aient servi D.ieu d’un amour et d’une crainte naturels à la manière des anges,


היינו שעל ידי דחילו ורחימו שלהם, אתכפיא סטרא אחרא המלובשת בגופם


c’est parce que par la crainte et l’amour [de ces âmes pour D.ieu], la sitra a’hara revêtue dans leur corps a été soumise,


בין בבחינת סור מרע, לכבוש התאוות ולשברן


tant dans le domaine de « Détourne-toi du mal » (celui de refuser l’interdit et ainsi) conquérir et briser les désirs issus de la sitra a’hara en empêchant leur expression en acte, en parole ou même en pensée, par crainte de D.ieu,


ובין בבחינת ועשה טוב, כנזכר לעיל


que dans le domaine de « Fais le bien » (l’accomplissement de mitsvot et de bonnes actions déterminé par l’amour de D.ieu, malgré la volonté opposée de l’âme animal, enracinée dans la sitra a’hara), comme dit plus haut.


והם היו בעלי בחירה, לבחור ברע, חס ושלום


Or, [ces âmes] durant leur vie physique disposaient du libre arbitre pour choisir le mal, à D.ieu ne plaise,


ובחרו בטוב, לאכפיא לסטרא אחרא, לאסתלקא יקרא דקודשא בריך הוא כו׳ כיתרון האור כו׳, כנזכר לעיל


et elles choisirent le bien – subjuguant la sitra a’hara, de sorte que la gloire de D.ieu soit élevée… [dans tous les mondes], avec une élévation semblable à la supériorité de la lumière [qui émerge de l’obscurité], comme expliqué précédemment. Par le travail de ces âmes brisant l’obscurité de la sitra a’hara, la lumière de la sainteté se trouve accrue.


Ainsi, en dépit de la dimension naturelle de leur amour et de leur crainte de D.ieu, leur travail est supérieur à celui des anges en ce sens qu’il fait intervenir leur libre arbitre (dont les anges sont dépourvus). Seules les âmes ont par conséquent le mérite de connaître par moments une élévation dans le Jardin d’Eden supérieur. Rabbi Chnéour Zalman fait dans la suite du texte la distinction entre les différentes demeures des âmes et l’emplacement de leur service divin (c’est-à-dire les accomplissements de l’âme dans l’étude de la Thora et la pratique des mitsvot). L’âme réside dans le monde de Bria ou de Yétsira, selon le cas ; cependant, il faut soigneusement distinguer entre, d’une part, le monde lui-même (de Bria ou Yétsira) qui appartient à la dimension d’être créé, de yech, c’est-à-dire d’ « existence séparée » si l’on peut ainsi s’exprimer, et, d’autre part, les Séfirot qui correspondent à la dimension du Divin inhérente à ce même monde. Ainsi, la demeure de l’âme se situe dans le « monde » de Bria ou Yétsira (selon la nature de son service divin), que l’on appelle aussi « Palais », alors que la Thora et les mitsvot qu’elle a accomplies, c’est-à-dire le service divin effectué ici-bas, s’élève vers les Séfirot de ce monde et se trouve ainsi absorbé dans le Ein Sof. L’âme, quant à elle, se délecte du rayonnement de la Thora qu’elle a étudiée et des mitsvot accomplies et qui se sont élevées vers les Séfirot. Il ne s’agit là, certes, que d’un infime rayonnement, mais dont la perception suscite en elle le plaisir « du Jardin d’Eden ».


והנה כל זה הוא במדור הנשמות ומקום עמידתן


Or, tout cela concerne la demeure des âmes et l’endroit où elles se trouvent.


Les âmes se tiennent parfois, comme le chabbat ou les jours de Néoménie, hors de leur demeure, d’où l’expression : « l’endroit où elles se trouvent ».


אך תורתן ועבודתן נכללות בי׳ ספירות, שהן בחינת אלקות, ואור אין סוף מתייחד בהן בתכלית היחוד


Cependant, leur étude de la Thora et leur service divin deviennent véritablement absorbés dans les dix Séfirot, qui sont du domaine du Divin et qui sont unies dans une union parfaite avec la lumière du Ein Sof (la lumière du Ein Sof qui brille dans un monde devient parfaitement unie avec les Séfirot de ce monde).


והיינו בי׳ ספירות דבריאה על ידי דחילו ורחימו שכליים, ובי׳ ספירות דיצירה על ידי דחילו ורחימו טבעיים


Cela veut dire que la Thora et le service divin s’élèvent dans les dix Séfirot du monde de Bria quand ils sont motivés par une crainte et un amour intellectuels, et dans les dix Séfirot du monde de Yétsira quand ils sont motivés par une crainte et un amour naturels.


ובתוכן מלובשות י׳ ספירות דאצילות, ומיוחדות בהן בתכלית


A l’intérieur d’elles (des Séfirot de Bria et de Yétsira) sont revêtues les dix Séfirot du monde d’Atsilout et elles sont totalement unies avec elles.


Les dix Séfirot du monde d’Atsilout se revêtent et sont parfaitement unies avec les dix Séfirot du monde de Bria et, par leur biais, avec les dix Séfirot de Yétsira.


וי׳ ספירות דאצילות מיוחדות בתכלית במאצילן, אין סוף ברוך הוא


Et les dix Séfirot d’Atsilout sont parfaitement unies avec Celui dont elles émanent, le Ein Sof, Béni soit-Il.


Il en ressort que, par son ascension dans les dix Séfirot de Bria ou Yétsira, la Thora et le service divin de l’âme deviennent parfaitement unis au Ein Sof.


מה שאין כן הנשמות אינן נכללות באלקות די׳ ספירות


En revanche, les âmes elles-mêmes ne sont pas absorbées dans le Divin des dix Séfirot ;


אלא עומדות בהיכלות ומדורין דבריאה או יצירה


plutôt, elles se tiennent dans les « palais » et « demeures » des mondes de Bria ou Yétsira, lesquels palais appartiennent à la dimension de « monde », d’ « existence séparée », et ne sont pas unis avec le Divin comme les Séfirot.


ונהנין מזיו השכינה, הוא אור אין סוף ברוך הוא, ומיוחד בי׳ ספירות דבריאה או דיצירה


Et [les âmes] jouissent du rayonnement de la Chekhina, c’est-à-dire la lumière du Ein Sof qui est unie avec les Séfirot de Bria ou de Yétsira,


והוא זיו תורתן ועבודתן ממש [עיין זהר, ויקהל, דף ר״י]


et ce rayonnement dont elles jouissent est le rayonnement de leur Thora et de leur service [de D.ieu] (se référer au Zohar, Parachat Vayakel, p. 210),


כי שכר מצוה היא מצוה עצמה


car « la récompense d’une mitsva est la mitsva elle-même. »


Un rayonnement émane de la Thora et des mitsvot accomplies en ce monde et devenues unies au Ein Sof : le plaisir que l’âme prend à cette révélation constitue pour elle la récompense de ses accomplissements. Ainsi, la seule émanation des mitsvot réalisées en ce monde procure à l’âme un plaisir décrit par nos Sages comme « valant toutes les souffrances du Purgatoire », Purgatoire dont il est dit par ailleurs qu’un seul instant y est plus pénible que l’infortune de Job pendant soixante-dix ans. L’essence même des mitsvot accomplies, en revanche, ne saurait être perçue par l’âme au Jardin d’Eden : elle disparaîtrait alors complètement dans cette révélation. On comprend dès lors l’enseignement de la Michna : « Mieux vaut un instant de téchouva et de bonnes actions en ce monde que toute la vie du Monde futur » ; car l’âme au Jardin d’Eden se délecte uniquement du reflet, d’une infime émanation de ses accomplissements, alors qu’elle se rattache en ce bas monde à l’essence même de la Thora et des mitsvot, par lesquelles elle est totalement unie à D.ieu. La supériorité du Jardin d’Eden réside uniquement dans la perception qui, même infime (se rapportant à un « reflet du Divin »), fait l’objet d’un plaisir intense. C’est ce que les Sages veulent signifier lorsqu’ils disent : « Mieux vaut un instant de plaisir dans le Jardin d’Eden que tout ce monde-ci, le véritable plaisir existant uniquement dans le Jardin d’Eden où le Divin est, en tout état de cause, perçu sensiblement. En conclusion, les âmes marquées par un service de D.ieu (amour et crainte) intellectuel trouvent leur place dans le monde de Bria, alors que les âmes caractérisées par un service de D.ieu émotionnel se situent en Yétsira. Rabbi Chnéour Zalman aborde à présent le service divin des âmes qui demeurent en Atsilout, dont le niveau dépasse même la crainte et l’amour intellectuels précédemment évoqués : on veut ici parler des tsaddikim qui ont constitué un « char », un « véhicule » pour le Divin, qui n’ont d’autre volonté que la Volonté divine, dont tous les actes traduisent l’annulation totale devant D.ieu.


ועולם האצילות, שהוא למעלה מהשכל וההשגה וההבנה לשכל נברא


Le monde d’Atsilout, quant à lui, est au-delà de l’intellect, de l’intelligence et de la compréhension d’un être créé ;


Tout être créé, fût-il spirituel comme une néchama du monde de Bria, demeure, en tout un état de cause, limité par sa condition même de créature. Le monde d’Atsilout se trouve par conséquent au-delà de sa perception,


כי חכמתו ובינתו ודעתו של אין סוף ברוך הוא מיוחדות שם בו בתכלית היחוד


car les ‘Hokhma, Bina et Daat (les Séfirot intellectuelles) du Ein Sof sont unies [en Atsilout] avec Lui, dans une puissante et merveilleuse unité,


ביחוד עצום ונפלא, ביתר שאת ויתר עז לאין קץ מבעולם הבריאה


infiniment plus intense et plus forte que [l’unité qui existe dans] le monde de Bria.


כי שם ירדו להאיר בבחינת צמצום


Puisque là, dans le monde de Bria, [ces trois Séfirot] sont descendues pour éclairer dans une dimension de contraction (tsimtsoum),


Ce n’est qu’après contraction (tsimtsoum) de leur lumière que les ‘Hokhma, Bina et Daat du monde d’Atsilout, appelés ‘HaBaD du Ein Sof, illuminent le monde de Bria.


כדי שיוכלו שכלים נבראים לקבל מהן חב״ד, לידע את ה׳ ולהבין ולהשיג איזו השגה באור אין סוף ברוך הוא


afin que l’intellect des êtres créés (à savoir les anges et les âmes de Bria) puisse recevoir d’elles une forme de ‘Hokhma, Bina et Daat [‘HaBaD] pour connaître D.ieu, comprendre et appréhender un tant soit peu la lumière du Ein Sof,


כפי כח שכלים הנבראים, שהם בעלי גבול ותכלית


selon la capacité de l’intellect des êtres créés, qui sont finis et limités,


שלא יתבטלו במציאותם ולא יהיו בגדר נבראים כלל, רק יחזרו למקורם ושרשם, שהוא בחינת אלקות ממש


sans qu’ils soient effacés dans leur existence et (plus encore,) qu’ils cessent d’exister en tant qu’êtres créés, retournant à leur source et racine, le Divin Lui-même.


Si les Séfirot de ‘HaBaD d’Atsilout brillaient tel quel dans le monde de Bria, sans aucune contraction, la perception de la Divinité qui serait donnée aux êtres créées correspondrait effectivement à l’essence des Séfirot qui se trouvent en Atsilout, et ces derniers, envahis par une telle révélation qu’ils ne pourraient contenir, perdraient alors toute dimension existentielle. D’où la contraction des Séfirot de ‘Habad d’Atsilout qui « descendent » et illuminent le monde de Bria, pour ainsi offrir aux êtres créés une certaine forme de compréhension et de perception de la lumière du Divin, impossible au stade d’Atsilout, comme poursuit le texte.


והנה צמצום זה היא סבת ההארה שמאירות שם חב״ד של אין סוף ברוך הוא לנשמות אלו בעולם הבריאה


Or, cette contraction (des Séfirot de ‘HaBaD d’Atsilout pour rayonner dans Bria) est la cause du rayonnement par lequel les ‘HaBaD du Ein Sof (c’est-à-dire du monde d’Atsilout) illuminent ces âmes dans le monde de Bria (ce qui leur permet de jouir d’une certaine perception intellectuelle de la lumière du Ein Sof).


מה שאין כן באצילות, שאינם בבחינת צמצום כל כך,


Tandis qu’en Atsilout, [les Séfirot de ‘Habad] n’étant pas dans un tel niveau de contraction,


Il existe, certes, une dimension de contraction, même en Atsilout : l’existence même de Séfirot distinctes, répondant à une définition donnée, constitue en soi une contraction de la lumière du Ein Sof. Cette contraction n’atteint pas, cependant, le degré qui prévaut dans le monde de Bria, et par conséquent,


אי אפשר לשכלים נבראים לקבל מהן


il est impossible pour les intellects créés de recevoir [des Séfirot de ‘Habad telles qu’elles sont en Atsilout].


ולכן לית מחשבה דלהון תפיסא שם כלל


Et c’est pourquoi, la pensée et l’intellect [des êtres créés] n’a là (au niveau de la lumière qui brille en Atsilout) absolument aucune perception.


לכן הוא מדור לצדיקים הגדולים


[Le monde d’Atsilout] est donc la demeure des grands tsaddikim,


שעבודתם היא למעלה מעלה אפילו מבחינת דחילו ורחימו הנמשכות מהבינה ודעת בגדולתו יתברך


dont le service divin est bien au-delà même de la crainte et de l’amour qui dérivent de la compréhension et de la connaissance de la grandeur de D.ieu,


כמו שעולם האצילות הוא למעלה מעלה מבחינת בינה ודעת לשכל נברא


tout comme le monde d’Atsilout est bien au-delà du niveau de la compréhension et de la connaissance de l’intellect d’un être créé ;


אלא עבודתם היתה בבחינת מרכבה ממש לאין סוף ברוך הוא


plutôt, leur service [divin] est vraiment de la dimension d’un char pour le Ein Sof,


וליבטל אליו במציאות, ולהכלל באורו יתברך, הם וכל אשר להם על ידי קיום התורה והמצות


au point qu’ils sont annulés dans leur existence devant [D.ieu] et sont absorbés dans Sa lumière, eux et tout ce qu’ils possèdent, par l’accomplissement de la Thora et des commandements,


על דרך שאמרו: האבות הן הן המרכבה, והיינו לפי שכל ימיהם היתה זאת עבודתם


sur le modèle de ce que [les Sages] ont dit : « les Patriarches sont le char [divin] », et cela (les Patriarches sont ainsi désignés) parce que tel était leur service [divin] toute leur vie durant.


Les Patriarches étaient continuellement dans cet état d’effacement devant D.ieu, état défini par l’image d’un char. C’est en cela également que consiste le service divin des grands tsaddikim : susciter par l’accomplissement de la Thora et des mitsvot, un tel degré d’annulation devant D.ieu, en eux-mêmes et en tout ce qui se rattache à eux. Cette forme d’effacement de soi appartient effectivement au ressenti du monde d’Atsilout qui est par conséquent la demeure de ces âmes.


אך מי ששרש נשמתו קטן מהכיל עבודה תמה זו


Cependant, celui dont l’âme est trop limitée pour contenir un tel service parfait comparé à un char,


ליבטל וליכלל באורו יתברך בעבודתו בקביעות


en étant effacé et absorbé dans la lumière [divine] par son service de manière constante,


רק לפרקים ועתים שהם עת רצון למעלה


mais seulement par intervalles et à des moments qui sont propices là haut,


וכמו בתפלת שמונה עשרה, שהיא באצילות


comme durant la prière du Chmoné Essré, qui est [au niveau d’]Atsilout,


Les quatre barreaux de l’échelle ascendante que représente la prière correspondent aux quatre mondes spirituels : la première partie de la prière jusqu’à la bénédiction de Baroukh Chéamar correspond au monde d’Assia ; les Psoukei Dezimra correspondent au monde de Yétsira ; le Chéma et ses bénédictions correspondent au monde de Bria ; la Amida (Chmoné Essré) correspond quant à elle au monde d’Atsilout.


ובפרט בהשתחוואות שבה, שכל השתחוואה היא בבחינת אצילות [כמו שכתוב בפרי עץ חיים, בקבלת שבת]


en particulier lors des quatre génuflexions que [le Chmoné Essré] comprend, chaque génuflexion correspondant au niveau d’Atsilout (comme il est écrit dans le Peri Ets ‘Haïm, sur la prière d’ouverture du Chabbat),


כי היא ענין ביטול באורו יתברך, להיות חשיב קמיה כלא ממש


car [la génuflexion] caractérise l’idée d’effacement de soi dans la lumière [de D.ieu], d’être considéré comme rien devant Lui ;


אזי גם כן עיקר קביעות נשמתו הוא בעולם הבריאה


même alors (durant ces moments adéquats, comme la Amida et notamment les génuflexions), la [demeure] principale de son âme est dans le monde de Bria (s’agissant d’une âme qui se rattache au monde de Bria).


[רק לפרקים, בעת רצון, תעלה נשמתו לאצילות בבחינת מין נוקבין, כידוע ליודעי ח״ן]


(C’est seulement occasionnellement, à un moment de faveur divine, que son âme s’élèvera vers Atsilout en qualité d’« eaux féminines », comme il est connu de ceux qui connaissent la Kabbale.)


On a donc trois degrés distinctifs à hauteur desquels les âmes reçoivent la récompense de leurs accomplissements. Rabbi Chnéour Zalman explique maintenant que la récompense permet de définir la nature même du travail accompli.


והנה שכר מצוה מצוה


Or, la récompense d’une mitsva est la mitsva elle-même.


La récompense n’est pas une chose annexe, dissociée de l’acte de la mitsva qu’elle rétribue – à l’instar du salaire perçu en rémunération d’un travail, qui ne donne pas d’indication précise sur la nature du travail accompli – plutôt, il s’agit du rayonnement de cette mitsva même, révélé à l’âme au Jardin d’Eden.


פירושו, שמשכרה נדע מהותה ומדרגתה


Cela veut dire qu’on peut connaître la nature essentielle et le degré [d’une mitsva] à partir de sa récompense (en fonction de la lumière qui inonde l’âme, il est possible de connaître la nature de la mitsva accomplie).


ואין לנו עסק בנסתרות


Nous n’avons pas pour objet de nous occuper de l’explication des choses cachées,


שהם צדיקים הגדולים שהם בבחינת מרכבה


c’est-à-dire les grands tsaddikim qui sont au niveau du char, forme de service de D.ieu qui, comme on l’a dit, échappe à la raison et l’intellect et est pour cette raison désignée ici comme une « chose cachée »,


רק הנגלות לנו, שאחריהם כל אדם ימשוך


mais seulement des choses qui sont révélées pour nous, auxquelles chaque homme doit aspirer, (les formes de service de D.ieu que chacun doit rechercher).


לידע נאמנה מהות ומדרגת עבודת ה׳ בדחילו ורחימו בהתגלות לבו הנמשכות מן הבינה ודעת בגדולת אין סוף ברוך הוא


Que l’on sache avec certitude [que] la nature essentielle et le degré du service divin avec [des sentiments de] crainte et amour révélés dans le cœur qui proviennent de la compréhension et la connaissance de la grandeur du Ein Sof béni soit-Il,


La récompense d’un tel service, nous l’avons dit, se situe dans le monde de Bria. On peut dès lors savoir que ce service lui-même


מקומה בי׳ ספירות דבריאה


a sa place dans les dix Séfirot de Bria ;


ועבודה בדחילו ורחימו הטבעיים שבמוחו


et que le service avec la crainte et l’amour naturels qui sont dans son esprit (et ne sont pas pleinement révélés dans le cœur)


בי׳ ספירות דיצירה


se situe (pareillement à sa récompense qui, comme dit plus haut, se trouve dans le monde de Yétsira,) dans les Dix Séfirot de Yétsira.


אבל עבודה בלי התעוררות דחילו ורחימו, אפילו במוחו בבחינת גילוי


Mais un service de D.ieu accompli sans éveil de l’amour et de la crainte ne serait-ce que dans son esprit à un état révélé,


דהיינו לעורר האהבה הטבעית המסותרת בלב, להוציאה מההעלם והסתר הלב


c’est-à-dire sans éveiller l’amour naturel latent dans le cœur, en le faisant émerger de l’état de voile et de dissimulation dans le cœur,


אל הגילוי אפילו במוחו ותעלומות לבו על כל פנים


à l’état de révélation même dans l’esprit et les recoins du cœur à tout le moins,


On ne parvient dans cette occurrence ni à éveiller un amour révélé et ressenti dans le cœur, ni, non plus, à faire émerger l’amour naturel latent dans les recoins du cœur, pour faire naître en son esprit un désir d’accomplir la Thora et les mitsvot en vue de s’attacher à D.ieu.


רק היא נשארת מסותרת בלב כתולדתה, כמו שהיתה קודם העבודה


où, au contraire, [l’amour] demeure dissimulé dans le cœur dans son état inné, tel qu’il était avant le service [de D.ieu], n’appelant pas à la conscience le désir d’attachement à D.ieu par la Thora et les mitsvot ;


הרי עבודה זו נשארת למטה, בעולם הפירוד, הנקרא חיצוניות העולמות


un tel service (accompli sans éveil des sentiments d’amour et de crainte) demeure en bas, dans le « monde de Séparation », que l’on appelle l’aspect extérieur des mondes par contraste avec l’aspect intérieur, c’est-à-dire les Séfirot, qui sont le Divin immanent à chaque monde.


ואין בה כח לעלות וליכלל ביחודו יתברך, שהן עשר ספירות הקדושות


et [un tel service] n’a pas en lui la force de s’élever et d’être absorbé dans l’Unité de D.ieu, c’est-à-dire les dix saintes Séfirot.


וכמו שכתוב בתקונים, דבלא דחילו ורחימו לא פרחא לעילא, ולא יכלא לסלקא ולמיקם קדם ה׳


Ainsi qu’il est écrit dans les Tikounei Zohar : sans crainte et sans amour, il ne s’envole pas en haut, et ne peut pas s’élever et se tenir devant D.ieu.


Comme expliqué par la suite, l’amour et la crainte représentent les « ailes » par lesquelles la Thora et mitsvot accomplies sont portées vers le Ciel. En l’absence de celles-ci, aucune élévation n’est possible. Rabbi Chnéour Zalman précise à présent que cette impossibilité ne se manifeste pas uniquement lorsque la Thora et les mitsvot accomplies sont mises au service d’intérêts personnels, mais même lorsqu’elles résultent simplement de l’habitude.


והיינו אפילו אם אינו עוסק שלא לשמה ממש לשום איזו פניה, חס ושלום


Et cela, même si son engagement (dans la Thora et les mitsvot) n’est pas véritablement chélo lichma, c’est-à-dire pour quelque motif intéressé, à D.ieu ne plaise,


Dans ce dernier cas, non seulement la noble intention de lichma (celle d’étudier la Thora et d’observer les mitsvot « pour elles-mêmes ») ferait défaut, mais c’est de fait son contraire qui s’y substituerait : l’étude et la pratique seraient inspirés par la poursuite d’intérêts personnels. Ainsi, continue le texte, ce qui a été dit précédemment s’applique même si le service de D.ieu n’est pas intéressé,


אלא כמו שכתוב: ותהי יראתם אותי מצות אנשים מלומדה


mais [qu’il ressemble] simplement à ce que dit le verset : « Votre crainte de Moi – dit D.ieu – était comme des préceptes de gens habitués »,


פירוש: מחמת הרגל שהורגל מקטנותו


c’est-à-dire du fait de l’habitude qui lui a été donnée dans sa jeunesse,


שהרגילו ולימדו אביו ורבו לירא את ה׳ ולעבדו


son père et son maître l’ayant habitué et éduqué à craindre D.ieu et à Le servir,


ואינו עוסק לשמה ממש


et il ne se consacre pas à la Thora et aux mitsvot véritablement pour elles-mêmes (lichma).


כי לשמה ממש אי אפשר בלא התעוררות דחילו ורחימו הטבעיים, על כל פנים


Car servir D.ieu lichma vraiment est impossible sans éveiller au moins l’amour et la crainte innés à tout le moins,


להוציאן מהסתר הלב אל הגילוי במוח ותעלומות לבו, על כל פנים


de sorte qu’ils émergent de l’état de dissimulation du cœur à l’état révélé, dans le cerveau et les recoins du cœur en tout état de cause.


Si l’amour n’est pas révélé, ressenti dans le cœur, il doit à tout le moins être amené à l’état de conscience, de révélation dans l’esprit. Ainsi se traduit-il en un désir d’attachement à D.ieu par la Thora et les mitsvot, et le service accompli constitue alors l’aboutissement de cet amour naturel. Mais lorsque cet amour demeure enfoui, quoique toujours existant, dans le cœur, il ne suffit pas à dicter l’accomplissement du service de D.ieu, auquel il manque dès lors la qualité de lichma.


כי כמו שאין אדם עושה דבר בשביל חבירו למלאת רצונו, אלא אם כן אוהבו או ירא ממנו


Car tout comme un homme ne fait pas quelque chose pour accomplir la volonté de son ami, à moins qu’il ne l’aime ou ne le craigne,


כך אי אפשר לעשות לשמו יתברך באמת למלאת רצונו לבד


de même, il est impossible d’agir véritablement pour Son Nom, béni soit-Il, uniquement pour satisfaire Sa volonté,


בלי זכרון והתעוררות אהבתו ויראתו כלל, במוחו ומחשבתו ותעלומות לבו על כל פנים


sans rappeler et réveiller l’amour et la crainte [de D.ieu] dans son esprit, sa pensée et les recoins de son cœur à tout le moins.


Dès lors que l’amour dans sa plus faible expression est absent, ses accomplissements ne sauraient être au service de la seule volonté divine, même s’ils ne sont pas dictés par des intérêts personnels. On ne peut dès lors pas parler de service divin lichma.


וגם אהבה לבדה אינה נקראת בשם עבודה בלי יראה תתאה לפחות, שהיא מסותרת בלב כל ישראל,


Et l’amour tout seul non plus n’est pas appelé un « service » [s’il n’est] pas accompagné à tout le moins du niveau de la crainte inférieure, laquelle est latente dans le cœur de tout Israël,


Ainsi, le service de D.ieu motivé par un sentiment amour éveillé et ressenti – défini comme lichma, puisque accompli par amour de D.ieu – n’est cependant pas qualifié de « service » s’il est dépourvu de crainte. Car le terme « service » dénote le rapport empreint de crainte qui lie un serviteur à son maître.


כמו שכתוב לקמן


comme il sera expliqué par la suite (au Chapitre quarante et un).


וכשעוסק שלא לשמה ממש, לשום איזו פניה לכבוד עצמו


[Mais] lorsqu’il s’engage dans le service divin chélo lichma (c’est-à-dire que non seulement l’intention de lichma est absente, mais qu’il est de surcroît motivé) au nom d’un quelconque intérêt d’honneur personnel,


כגון להיות תלמיד חכם וכהאי גוונא


par exemple, en vue de devenir un érudit, ou [autre motif] semblable,


אזי אותה פניה, שמצד הקליפה דנוגה, מתלבשת בתורתו


alors, cet intérêt, qui dérive du côté de la klipa de noga, s’habille dans sa Thora,


והתורה היא בבחינת גלות בתוך הקליפה


et la Thora qu’il a étudiée à cette fin se trouve en état d’exil à l’intérieur de la klipa,


לפי שעה, עד אשר יעשה תשובה, שמביאה רפואה לעולם


temporairement, jusqu’à ce qu’il se repente, [le repentir] apportant la guérison au monde.


שבשובו אל ה׳, גם תורתו שבה עמו


Parce que lorsque lui revient à D.ieu, sa Thora (qu’il a étudiée pour des motifs intéressés) s’en retourne avec lui de la klipa.


ולכן אמרו רז״ל: לעולם יעסוק אדם וכו׳ שמתוך שלא לשמה בא לשמה בודאי


C’est pourquoi nos Sages, de mémoire bénie, ont dit qu’ « un homme s’engagera toujours dans [l’étude de la Thora, même chélo lichma], car par le chélo lichma, il en viendra certainement au lichma »,


שבודאי סופו לעשות תשובה, בגלגול זה או בגלגול אחר


parce qu’il est certain qu’il finira par se repentir, dans cette incarnation ou dans une autre,


כי לא ידח ממנו נדח


car « Aucun individu repoussé temporairement par ses fautes ne restera repoussé de Lui », le repentir est une issue certaine.


Et lors de son repentir, la Thora étudiée pour des motifs intéressés et personnels retournera également au domaine de la sainteté. Ainsi s’explique donc la parole des Sages : « il en viendra au lichma », il s’agit là d’une certitude et non, en tout état de cause, d’une éventualité. Mais plus encore, même la Thora qu’il a étudiée chélo lichma sera élevée à la hauteur de celle qui est étudiée, d’emblée, de manière purement désintéressée (lichma). Ce qui vient d’être dit porte sur l’étude entreprise effectivement chélo lichma, au service de son intérêt personnel.


אך כשעושה סתם לא לשמה, ולא שלא לשמה, אין הדבר תלוי בתשובה


En revanche, lorsqu’il agit de manière neutre, ni lichma, ni chélo lichma, la chose ne dépend pas du repentir,


אלא מיד שחוזר ולומד דבר זה לשמה, הרי גם מה שלמד בסתם מתחבר ומצטרף ללימוד זה, ופרחא לעילא


plutôt, dès lors qu’il étudie de nouveau la chose lichma, même ce qu’il a étudié de façon neutre se joint et s’associe à [la présente] étude et s’envole là haut,


מאחר שלא נתלבש בו עדיין שום קליפה דנוגה


étant donné que [sa précédente étude, « neutre »,] n’était investie d’aucune klipa de noga.


Dépouillée de motifs intéressés, la Thora étudiée ne se trouve pas en état d’exil à l’intérieur de la klipa. Seule la qualité de lichma en est absente et ce défaut peut être corrigé par une nouvelle étude de ce texte lichma.


ולכן לעולם יעסוק אדם כו׳


C’est pourquoi, un homme devrait toujours s’investir dans l’étude de la Thora, même si l’intention de lichma lui manque, car cette étude parviendra en tout état de cause par le biais du repentir ou d’une nouvelle étude, selon le cas, au degré de lichma.


וכן הענין בתפלה שלא בכוונה, כמו שכתוב בזהר


Et il en va de même de la prière sans kavana, comme il est écrit dans le Zohar.


La prière ultérieure, empreinte de kavana, emporte avec elle également les précédentes prières qui en étaient dépourvues. Dans son dernier opuscule (Kountrass A’harone), Rabbi Chnéour Zalman explique qu’une seule prière entière, reconstituée à partir de tous les passages du texte liturgique prononcés avec intention (kanava) et glanés sur l’ensemble des jours de l’année, suffit effectivement à élever toutes les prières de l’année. Car même dénuée de l’intention spécifique qui se rapporte à chaque passage, la prière est néanmoins, en tout état de cause, empreinte de la kavana de s’adresser à D.ieu.

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