Likoutei Amarim Chapitre 40 _______________
Le Chapitre trente-neuf a établi que l’élévation de la Thora étudiée et des mitsvot accomplies dépend de la kavana, c’est-à-dire de l’intention et de la motivation dont elles sont porteuses. Si l’aspiration à la Thora et aux mitsvot vient de sentiments d’amour et de crainte de D.ieu nés d’une profonde méditation sur la grandeur de D.ieu, le service divin ainsi accompli s’élève jusqu’aux Séfirot de Bria, le monde de l’entendement. Si ce sont l’amour et la crainte naturels, innés en chaque juif, qui sont mis en éveil, la Thora et les mitsvot atteignent les Séfirot de Yétsira, le monde des émotions. Enfin, si l’étude et la pratique sont dépourvues de ces sentiments d’amour et de crainte, autrement dit si la noble intention de lichma, celle d’étudier et de pratiquer la Thora pour elle-même, fait défaut (même si cette étude n’est pas détournée vers des intérêts purement personnels mais qu’elle est simplement réglée par l’habitude), elle ne s’élève pas « devant D.ieu ». Cependant, si l’étude est revisitée lichma, l’étude première dénuée de cette intention se trouve jointe à elle et reçoit son élévation.
פרק מ׳
אך כל זמן שלא חזר ולמד דבר זה לשמה
Cependant, tant qu’il n’a pas de nouveau étudié cette chose-là lichma,
אין לימודו עולה אפילו בי׳ ספירות המאירות בעולם היצירה והעשיה
son étude ne s’élève pas même dans les dix Séfirot qui illuminent dans les mondes de Yétsira et d’Assia (il est inutile de mentionner les Séfirot du monde de Bria).
כי הספירות הן בחינת אלקות, ובהן מתלבש ומתייחד אור אין סוף ברוך הוא ממש
Car les Séfirot sont une dimension du Divin ; en elles se vêt et s’unit la lumière du Ein Sof, véritablement. L’élévation au rang des Séfirot signifierait donc l’élévation à l’intérieur de la lumière du Ein Sof.
ובלא דחילו ורחימו לא יכלא לסלקא ולמיקם קדם ה׳, כמו שכתוב בתיקונים
Et sans crainte et sans amour, [l’étude de la Thora] ne peut pas s’élever et se tenir devant D.ieu – la lumière du Ein Sof – comme il est écrit dans les Tikounei Zohar.
רק לימודו עולה להיכלות ומדורין, שהן חיצוניות העולמות
Son étude de la Thora s’élève seulement dans les « palais » et « demeures », qui sont l’aspect extérieur des mondes de Yétsira et Assia,
Les Séfirot représentent l’aspect profond et intérieur, le Divin inhérent aux mondes ; les Palais et demeures constituent l’aspect extérieur, c’est-à-dire qu’ils appartiennent à la dimension de « monde » et non à la dimension du Divin.
שבהן עומדים המלאכים
dans lesquels se tiennent les anges ;
וכמו שכתב הרב חיים ויטל ז״ל בשער הנבואה פרק ב׳, שמהתורה שלא בכוונה נבראים מלאכים בעולם היצירה, ומהמצות בלי כוונה נבראים מלאכים בעולם העשיה
comme l’écrit Rabbi ‘Haïm Vital, de mémoire bénie, dans le Chapitre deux de Chaar Hanévoua : par [l’étude de] la Thora sans kavana, sont créés des anges dans le monde de Yétsira ; par les mitsvot [accomplies] sans kavana, sont créés des anges dans le monde d’Assia.
La création d’anges à partir de cette étude et de ces mitsvot indique clairement que celles-ci ne sont pas absorbées dans le Divin des Séfirot et qu’elles trouvent leur place uniquement dans l’aspect extérieur des mondes. On pourrait néanmoins lire autrement le Chaar Hanévoua : l’absence de kavana dont il parle pourrait en effet être comprise comme l’absence d’attention, d’application de la pensée à l’étude ou à l’acte de la mitsva (par exemple, un texte lu machinalement sans être compris ou une action accomplie machinalement sans même l’intention d’accomplir une mitsva). Rabbi Chnéour Zalman anticipe une telle objection et précise :
וכל המלאכים הם בעלי חומר וצורה
Or, tous les anges sont faits de matière et de forme.
La Thora ou la mitsva à l’origine la création de tels anges doivent donc, elles aussi, en tout état de cause, être composées de matière et de forme : la matière (l’aspect extérieur) fait référence à l’acte ou au verbe mêmes, la forme (l’aspect intérieur) à la pensée qui l’habite, à savoir la compréhension du texte étudié ou la volonté d’accomplir un acte de mitsva. Le défaut de kavana, suivant le Chaar Hanévoua, correspond par conséquent à l’absence de l’intention de lichma dont le Tanya parle ici. Ainsi donc, la Thora et les mitsvot sans l’amour et la crainte de D.ieu (lichma) s’élèvent uniquement dans l’aspect extérieur des mondes – le niveau des anges – et non jusqu’au Divin. Tout ce qui vient d’être dit concerne l’étude ou les mitsvot simplement dépourvues de l’intention de lichma ; qu’en est-il, en revanche, des mitsvot qui véhiculent une intention expressément opposée (c’est-à-dire qui sont orientées uniquement vers des horizons personnels) ?
אבל תורה שלא לשמה ממש, כגון להיות תלמיד חכם, וכהאי גוונא
Mais la Thora [étudiée] véritablement chélo lichma, à des fins intéressées, par exemple pour devenir un érudit ou [autre raison] semblable,
אינה עולה כלל למעלה, אפילו להיכלות ומדור המלאכים דקדושה
[la Thora ainsi étudiée] ne s’élève aucunement en haut, [pas] même dans les « palais » et « demeures » des anges de la sainteté,
אלא נשארת למטה בעולם הזה הגשמי, שהוא מדור הקליפות
plutôt, elle demeure ici-bas, dans ce monde matériel, qui est la demeure des klipot (*). Dès lors que ces motivations personnelles relèvent de la klipa, l’étude de la Thora qui en résulte y demeure rattachée.
הגהה
NOTE
כמו שכתוב בזהר חלק ג׳, דף ל״א עמוד ב׳, ודף קכ״א עמוד ב׳, עיין שם
Comme il est écrit dans le Zohar Vol. III, p. 31 et 121b, s’y référer :
ההיא מלה סלקא ובקעא רקיעין כו׳ ואתער מה דאתער
« Le mot [prononcé] s’élève et perce les cieux…et est éveillé ce qui est éveillé :
אי טב טב כו׳
si c’est du bien, un mot de Thora ou qui appartient au service de D.ieu, il éveille du bien… »
ע״ש ודף ק״ה ע״א מלה דאורייתא אתעביד מיניה קלא וסליק כו׳
S’y référer, et à la page 105a, il est écrit : « D’un mot de Thora se forme une voix et elle s’élève… »
ודף קס״ח ע״ב קלין דאורייתא וצלותא בקעין רקיעין כו׳
et à la page 168b : « Les voix de la Thora et de la prière s’élèvent en haut et percent les cieux… »
Ces trois passages du Zohar indiquent que les mots de Thora s’élèvent et pénètrent les cieux.
סוף הגהה
FIN DE LA NOTE
וכמו שכתוב בזהר על פסוק: מה יתרון לאדם מכל עמלו שיעמול תחת השמש
Et comme il est écrit dans le Zohar, à propos du verset : « Quel profit l’homme a-t-il de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? »
Les Sages du Talmud soulignent que la peine que l’on se donne « sous le soleil » ne procure effectivement aucun profit ; en revanche, l’étude de la Thora, qui est « au-dessus du soleil », profite à qui s’y astreint. Le Zohar apporte ici une précision :
דאפילו עמלא דאורייתא, אי עביד בגין יקריה כו׳
« Même le labeur de la Thora, si on le fait pour sa propre gloire… » appartient aussi à la catégorie de l’effort improductif qui est fourni « sous le soleil ».
וזה שאמרו: אשרי מי שבא לכאן ותלמודו בידו
Et c’est là ce que disent [nos Sages] : « Heureux celui qui vient ici (au Ciel) et son étude [de la Thora] est avec lui »,
פירוש: שלא נשאר למטה בעולם הזה
c’est-à-dire que [son étude de la Thora] n’est pas restée en bas en ce monde.
Les Sages louent ici l’étude de la Thora lichma, qui s’élève au Ciel. L’étude qui est privée de cette qualité ne peut accompagner l’âme dans son élévation céleste et demeure ici-bas. Il a été précédemment été établi que l’étude de la Thora dictée par l’habitude, même si elle n’est pas entreprise pour des motifs intéressés, ne peut s’élever dans les Séfirot supérieures. Mais cette idée semble problématique : la Thora, par définition, est la Volonté de D.ieu qui transcende les Séfirot supérieures et ne fait qu’un avec Lui ; pourquoi devrait-elle recourir à la vertu de l’intention lichma afin d’être, par elle, élevée jusqu’aux Séfirot des mondes de Yétsira ou Bria ?
ואף דאורייתא וקודשא בריך הוא כולא חד, שהוא ורצונו אחד
Et bien que « la Thora et le Saint béni soit-Il ne fassent qu’un », car Lui et Sa volonté (la Thora) sont un, néanmoins, la Thora ne s’élève pas, dans les dix Séfirot, sans kavana.
Voici, brièvement résumée, l’idée qui va suivre : les mots de la Thora, saints absolument, véhiculent le Divin sans occultation, c’est-à-dire que la lumière divine qui y est contenue est dépourvue des nombreux vêtements et écrans qui la dissimulent à l’intérieur de toutes les autres choses matérielles de ce monde. Cependant, ces mots, articulés par l’être humain, n’échappent pas à l’immense contraction de la lumière divine (tsimtsoum) inhérente à l’ensemble des choses du monde matériel. Aussi l’élévation de ces mots vers les Séfirot et la révélation en eux de la Volonté divine est-elle impossible s’ils ne portent pas l’intention, spirituelle, de lichma (c’est-à-dire des émotions d’amour et de crainte de D.ieu).
הרי קודשא בריך הוא איהו ממלא כל עלמין בשוה, ואף על פי כן אין העולמות שוים במעלתם
Le Saint Béni soit-Il emplit tous les mondes pareillement, et néanmoins, les mondes se sont pas égaux dans leurs rangs.
והשינוי הוא מהמקבלים בב׳ בחינות
La différence d’un monde à l’autre se situe au niveau de ceux qui reçoivent la force vitale divine, sous deux aspects :
האחת: שהעליונים מקבלים הארה יותר גדולה לאין קץ מהתחתונים
premièrement, les [mondes et êtres] supérieurs reçoivent un rayonnement infiniment plus grand que [ce que reçoivent] les [mondes] inférieurs,
והשנית: שמקבלים בלי לבושים ומסכים רבים כל כך כהתחתונים
deuxièmement, ils reçoivent [ce rayonnement divin] sans vêtements et « rideaux » aussi nombreux que les [mondes] inférieurs.
ועולם הזה הוא עולם השפל בב׳ בחינות
Et ce monde [physique] est le plus bas sous ces deux aspects.
כי ההארה שבו מצומצמת מאד, עד קצה האחרון, ולכן הוא חומרי וגשמי
Car (a) la radiance de la vitalité divine qui anime ce monde est en lui est très contractée, jusqu’à l’extrême limite ; il est pour cela [un monde] grossier et matériel.
וגם זאת היא בלבושים ומסכים רבים
Et [de surcroît] (b) cette [lumière contractée] est [vêtue] de nombreux vêtements et « rideaux »,
עד שנתלבשה בקליפת נוגה, להחיות כל דברים הטהורים שבעולם הזה,
au point qu’elle est revêtue de la klipat noga, pour donner vie à toutes les choses pures (c’est-à-dire permises) de ce monde.
Comme expliqué dans les précédents chapitres, toutes les choses pures et permises de ce monde puisent leur vitalité de la klipat noga : elles peuvent pour cette raison être mises au service du bien et de la sainteté comme de son contraire.
ובכללם הוא נפש החיונית המדברת שבאדם
Et parmi [les choses pures de ce monde] est incluse également l’âme vitale de l’homme, [âme rationnelle et douée de la] parole articulée.
ולכן כשמדברת דברי תורה ותפלה בלא כוונה
Et c’est pourquoi, lorsque [l’âme vitale] exprime des paroles de Thora ou de la prière sans kavana – ce second aspect de l’occultation du Divin (les nombreux rideaux de séparation) y est absent ; mais la contraction de la lumière divine, premier aspect de cette occultation, y est tout aussi remarquable, comme il va être expliqué.
אף שהן אותיות קדושות, ואין קליפת נוגה שבנפש החיונית מסך מבדיל כלל להסתיר ולכסות על קדושתו יתברך המלובשת בהן
Certes, ce sont des lettres saintes et la klipat noga de