Likoutei Amarim Chapitre 44 _______________
Dans le chapitre précédent, Rabbi Chnéour Zalman a décrit les deux catégories générales d’amour pour D.ieu, ahava rabba et ahavat olam. Ahavat olam est un amour qui découle de la méditation sur la grandeur de D.ieu, alors qu’ahava rabba reste inaccessible par le seul effort humain : il ne peut qu’être reçu, par qui le mérite, comme un don du Ciel.
פרק מ״ד
והנה כל מדרגת אהבה מב׳ מדרגות אלו, אהבה רבה ואהבת עולם, נחלקת לכמה בחינות ומדרגות לאין קץ, כל חד לפום שיעורא דיליה
Or, chacun de ces deux degrés d’amour que sont ahava rabba et ahavat olam – est divisé en de nombreux aspects et degrés, sans aucune limite (chacune de ces catégories se subdivise en une infinité d’échelons), chaque individu selon sa mesure (le degré d’amour de chacun est étroitement lié à son niveau spirituel),
כמו שכתוב בזהר הקדוש על פסוק: נודע בשערים בעלה, דא קודשא בריך הוא, דאיהו אתידע ואתדבק לכל חד לפום מה דמשער בלביה וכו׳
ainsi qu’il est écrit dans le saint Zohar à propos du verset : « Son mari est connu aux portes », le Zohar explique que « son mari », c’est le Saint Béni soit-Il (dont l’épouse est la Communauté d’Israël) qui devient connu, ressenti, et attaché aux portes (cha’ar), c’est-à-dire à chacun selon sa mesure (chi’our) en son cœur, etc. »
Deux individus peuvent partager un même degré, d’amour pour D.ieu, mais ils n’en continuent pas moins de se différencier par les traits, particuliers à chacun, de cet amour.
ולכן נקראים דחילו ורחימו: הנסתרות לה׳ אלקינו
C’est pourquoi, la crainte et l’amour sont appelés « les choses secrètes [connues] de l’Eternel notre D.ieu », le degré d’amour que chacun porte en son cœur demeure caché à autrui, précisément du fait de ces différences,
ותורה ומצות הן הנגלות לנו ולבנינו לעשות כו׳
[alors que] la Thora et les mitsvot sont « les choses révélées pour nous et nos enfants, afin d’accomplir… ».
כי תורה אחת ומשפט אחד לכולנו, בקיום כל התורה ומצות בבחינת מעשה
Car nous avons tous une seule Thora et une seule loi, au regard de l’accomplissement de toute la Thora et des mitsvot au plan de l’action.
Tout Israël est de ce point de vue identique : à titre d’exemple, les mêmes téfiline sont portées de la même manière, par le plus grand comme par le plus petit.
מה שאין כן בדחילו ורחימו, שהם לפי הדעת את ה׳ שבמוח ולב
Il n’en est pas de même de la crainte et de l’amour, qui sont selon la connaissance de D.ieu dans l’esprit et le cœur,
Ce qui représente un facteur de différence : plus subtile est la connaissance et la perception du Divin, plus élevé sera le degré de crainte et d’amour de D.ieu.
כנזכר לעיל
comme expliqué plus haut.
Dans le précédent chapitre et jusqu’à présent, Rabbi Chnéour Zalman a distingué ces deux dimensions d’amour que sont ahava rabba et ahavat olam : ahava rabba est un don d’en Haut, un degré d’amour auquel l’homme ne peut parvenir par son seul travail ; ahavat olam, en revanche, procède de la compréhension et de la contemplation de la grandeur de D.ieu. Une forme particulière d’amour, qui va être analysée maintenant, participe de ces deux catégories à la fois. Elle ressemble à ahava rabba en ce qu’elle est offerte : il s’agit en effet d’un amour hérité des Patriarches. Mais la révélation de cet amour passe par un travail de compréhension et de contemplation du Divin, caractéristique de la seconde forme d’amour, ahavat olam. Dans les termes du Tanya :
אך אחת היא אהבה הכלולה מכל בחינות ומדרגות אהבה רבה ואהבת עולם, והיא שוה לכל נפש מישראל, וירושה לנו מאבותינו
Toutefois, il y a un amour particulier, qui participe de tous les aspects et degrés d’ahava rabba et ahavat olam et qui est identique pour chaque âme d’Israël, comme un héritage pour nous reçu de nos Patriarches.
והיינו מה שכתב הזהר על פסוק: נפשי אויתיך בלילה וגו׳
Cela correspond à ce que dit le Zohar sur le verset : « Mon âme, je Te désire la nuit. »
Le Zohar observe que la forme grammaticale employée ne s’accorde pas au sens simple du verset. Il aurait dû être écrit : « Mon âme Te désire » ou « Je Te désire ». Le Zohar explique donc que « Mon âme » fait référence à D.ieu, la source de vie. On dit ici à D.ieu : « (Parce que Tu es) mon âme, je Te désire ».
דירחים לקודשא בריך הוא רחימותא דנפשא ורוחא, כמה דאתדבקו אילין בגופא, וגופא רחים לון וכו׳,
Le Zohar continue : Il aimera D.ieu d’un amour de l’âme et de l’esprit, tout comme [l’âme et l’esprit] sont attachés au corps et le corps les aime…
וזה שכתוב: נפשי אויתיך, כלומר: מפני שאתה ה׳ נפשי וחיי האמיתים, לכך אויתיך,
Et c’est là ce que dit le verset : « Mon âme, je Te désire », cela veut dire : « Parce que Tu es, D.ieu, mon âme et ma véritable vie, c’est pourquoi je Te désire ».
פירוש: שאני מתאוה ותאב לך כאדם המתאוה לחיי נפשו, וכשהוא חלש ומעונה מתאוה ותאב שתשוב נפשו אליו
En d’autres termes : J’ai envie et j’ai soif de Toi comme un homme désire la vie de son âme, et quand il est faible et éreinté, il désire que son âme revienne à lui,
Le plaisir éprouvé de la vie brute est le plus grand qui s’offre à l’être humain lequel, on le constate empiriquement, est généralement prêt à renoncer à tous les plaisirs pour se maintenir en vie. Certes, un plaisir vécu continûment n’est plus guère ressenti. Mais celui dont la vitalité se trouve diminuée, et pour qui ce plaisir est donc suspendu, éprouve bien, alors, l’ardent désir de la vie.
וכן כשהוא הולך לישן מתאוה וחפץ שתשוב נפשו אליו כשיעור משנתו,
et de même, quand il va dormir, il désire que son âme revienne à lui quand il se réveillera de son sommeil,
Car la vitalité du dormeur aussi est en état de retrait durant le sommeil que le Talmud assimile à « un soixantième de la mort ».
כך אני מתאוה ותאב לאור אין סוף ברוך הוא, חיי החיים האמיתיים, להמשיכו בקרבי על ידי עסק התורה בהקיצי משנתי בלילה, דאורייתא וקודשא בריך הוא כולא חד
de la même façon, poursuit-il, j’ai envie et j’ai soif de la lumière du Ein Sof, source de la véritable vie, de l’attirer en moi par l’étude de la Thora en me levant de mon sommeil la nuit durant, car la Thora et le Saint Béni soit-Il sont un.
L’amour de la vie appelle à l’étude de la Thora par laquelle, celui qui étudie reçoit, dans la profondeur de son être, la lumière de l’Ein Sof, source de la vie. Et, parce que la vitalité divine qui anime le monde connaît un renouveau quotidien (affirmé par nos prières : « Qui renouvelle chaque jour continuellement l’œuvre de la Création »), et que la Thora aussi « devrait être regardée chaque jour comme si elle était nouvelle », il faut que, par l’étude, s’expriment un désir et un amour du Divin qui soient à l’égal du puissant et manifeste désir que chacun a de retrouver la plénitude de sa vitalité.
כמו שכתב הזהר שם: דבעי בר נש מרחימותא דקודשא בריך הוא למיקם בכל לילא לאשתדלא בפולחניה עד צפרא כו׳
Comme il est écrit dans le Zohar : « En vertu de l’amour pour le Saint Béni soit-Il, un homme devrait se lever chaque nuit pour s’adonner à Son service jusqu’au matin…
Tel est donc cet amour dont parle le Zohar à propos du verset : « Mon âme, je Te désire », un amour pour D.ieu (« mon âme ») dont on ressent qu’Il est notre vie. Cet amour, reçu en héritage, existe dans l’âme juive et doit être révélé ainsi qu’il va être ensuite expliqué.
ואהבה רבה וגדולה מזו,
Un plus grand amour que cela (encore plus grand que l’amour pour D.ieu qui vient d’être défini par les termes du verset : « Mon âme, je Te désire », cet amour qui est semblable à l’amour de la vie parce que D.ieu est la source de vie),
והיא מסותרת גם כן בכל נפש מישראל בירושה מאבותינו, היא מה שכתוב ברעיא מהימנא: כברא דאשתדל בתר אבוי ואימיה, דרחים לון יתיר מגרמיה ונפשיה ורוחיה כו׳
et qui est également dissimulé dans chaque âme d’Israël, en héritage de nos Patriarches, est cet amour dont parle le Raya Méhemna dans la description du service divin de Moïse : « Comme un enfant qui œuvre pour son père et sa mère, qu’il aime plus que son propre corps et son âme… »
A la manière de l’enfant, prêt à donner sa vie pour sauver ses parents en captivité, tel était l’amour que Moïse éprouvait pour D.ieu ; en chaque juif aussi se trouve dissimulé un amour similaire,
כי הלא אב אחד לכולנו
car « n’avons-nous pas tous un seul Père ? »
Moïse était habité par ce sentiment d’amour envers D.ieu en vertu du lien filial qui vient d’être décrit. Or, chaque juif porte en lui un tel amour pour la raison que D.ieu est son père. En outre, cet amour est plus grand que le précédent : l’amour de D.ieu en tant que source de la vie (« Mon âme, je Te désire ») est en effet limité à la dimension même de l’amour de la vie. Aussi ne demande-t-il pas le sacrifice de soi, le don de sa personne à l’opposé de la vie. L’amour qu’un enfant porte à ses parents ne connaît pas une telle limite: la vie de ses parents prime sur la sienne qu’il est prêt à donner pour eux.
ואף כי מי הוא זה ואיזהו אשר ערב לבו לגשת להשיג אפילו חלק אחד מני אלף ממדרגת אהבת רעיא מהימנא
Et bien que l’on puisse demander : qui est-il et quel est-il, celui qui oserait en son cœur [présumer] approcher et atteindre ne serait-ce qu’un millième de l’amour du berger fidèle (Moïse),
La question va de soi : chaque juif, quel qu’il soit, peut-il porter en son âme un amour pour D.ieu comparable à celui de Moïse ?
מכל מקום הרי אפס קצהו ושמץ מנהו מרב טובו ואורו מאיר לכללות ישראל בכל דור ודור,
néanmoins, une quelconque partie et un tant soit peu de son bien et de sa lumière immenses (le bien et la lumière de Moïse) illumine la Communauté d’Israël en chaque génération,
כמו שכתוב בתיקונים: דאתפשטותיה בכל דרא ודרא, לאנהרא לון וכו׳
ainsi qu’il est écrit dans les Tikounei Zohar : « une émanation [de Moïse] se trouve en chaque génération », « pour les éclairer… » (les juifs en chaque génération).
Et dès lors, grâce à cette émanation de bien et de lumière de Moïse, l’amour pour D.ieu dont chaque juif est d’ores et déjà porteur comme héritier des Patriarches ressemble à celui de Moïse.
רק שהארה זו היא בבחינת הסתר והעלם גדול בנפשות כל בית ישראל,
Seulement ce rayonnement de l’âme de Moïse se trouve en état de dissimulation et de voile immense dans les âmes de toute la Maison d’Israël.
ולהוציא אהבה זו המסותרת מההעלם וההסתר אל הגילוי, להיות בהתגלות לבו ומוחו,
[Mais] faire émerger cet amour caché de l’état de voile et de dissimulation à un état de révélation, de sorte qu’il soit manifeste et ressenti en son cœur et son esprit,
לא נפלאת ולא רחוקה היא, אלא קרוב הדבר מאד בפיך ובלבבך
n’est ni hors d’atteinte, ni loin, mais plutôt la chose est très proche de toi, dans ta bouche et dans ton cœur. Que signifie cette proximité de la bouche et du cœur ?
דהיינו להיות רגיל על לשונו וקולו לעורר כוונת לבו ומוחו
Cela veut dire que cela sera habituel sur sa langue (sa parole) et sa voix de façon à éveiller l’intention du cœur et de l’esprit car « la voix éveille la ferveur » du cœur et de l’esprit,
להעמיק מחשבתו בחיי החיים, אין סוף ברוך הוא, כי הוא אבינו ממש האמיתי ומקור חיינו,
pour immerger sa pensée dans la Vie de la vie, le Ein Sof, béni soit-Il, [sur le fait qu’]Il est littéralement notre vrai Père et la source de notre vie,
ולעורר אליו האהבה כאהבת הבן אל האב
et éveiller envers Lui l’amour comme l’amour d’un fils envers [son] père.
וכשירגיל עצמו כן תמיד, הרי ההרגל נעשה טבע
Et lorsqu’il s’habituera ainsi continuellement, l’habitude devient nature.
Cet amour envers D.ieu comme son père deviendra alors en lui quelque chose de tout à fait naturel.
ואף אם נדמה לו לכאורה שהוא כח דמיוני
Et même s’il lui semble a priori que cela [n’]est [qu’]une illusion, en d’autres termes que l’amour qu’il éprouve pour D.ieu « comme un fils envers son père » n’est pas authentique, qu’il ne répond pas à l’exigence de vérité qu’impose le service de D.ieu,
לא יחוש, מאחר שהוא אמת לאמיתו מצד עצמו בבחינת אהבה מסותרת
qu’il n’en soit pas affecté, dès lors que [cet amour] est parfaitement authentique en soi (et même en l’absence d’un travail spirituel), au plan de « l’amour latent » pour D.ieu intrinsèque à son âme.
רק שתועלת יציאתה אל הגילוי: כדי להביאה לידי מעשה
Seulement le bénéfice du travail de faire émerger [cet amour] à l’état manifeste est de le traduire en action,
שהוא עסק התורה והמצות שלומד ומקיים על ידי זה, כדי לעשות נחת רוח לפניו יתברך, כבן העובד את אביו
c’est-à-dire l’occupation à la Thora et aux mitsvot qu’il étudie et accomplit au moyen de [cet amour révélé] en vue de donner satisfaction à [D.ieu], comme un fils qui sert son père pour lui être agréable.
Il ne faut donc pas s’inquiéter d’une vérité problématique de cet amour apparaissant dans sa manifestation extérieure. En effet, il est, d’une part, absolument authentique dans la profondeur de l’être et, d’autre part, conduit à l’accomplissement de la Thora et des commandements avec l’intention qui vient d’être décrite : donner satisfaction à D.ieu.
ועל זה אמרו: מחשבה טובה, הקב״ה מצרפה למעשה, להיות גדפין לפרחא כנזכר לעיל
Et à ce sujet, [les Sages] ont dit : « le Saint Béni soit-Il joint une bonne pensée à l’action », c’est-à-dire qu’il rattache cette bonne pensée à l’action de manière à ce qu’elle constitue des ailes pour permettre l’envol de la Thora et des mitsvot, comme expliqué plus haut.
Le sens littéral de cette expression du Talmud est le suivant : lorsqu’une personne a eu une bonne pensée, c’est-à-dire qu’elle a pensé accomplir une bonne action mais n’a pas pu mener, malgré elle, mener son projet à bien, D.ieu considère cette action comme accomplie. Cette lecture littérale, pourtant, n’est pas suffisante car le Talmud aurait dû plutôt dire : « D.ieu lui compte comme s’il l’avait accomplie ». Quel est le donc le sens de l’expression : « D.ieu joint (la bonne pensée) à l’action » qui laisse entendre que cette action existe vraiment mais comme détachée de la pensée ? Le Tanya a expliqué au Chapitre seize qu’un sentiment d’amour pleinement révélé dans le cœur se trouve intimement lié à l’action à laquelle il se rattache et l’empreint de vitalité. Mais lorsque cet amour n’existe qu’à l’état de « bonne pensée » sans être clairement ressenti dans le cœur, l’action accomplie est privée de vitalité. Aussi D.ieu doit-il « rattacher » (l’amour et la crainte contenus dans) la « bonne pensée » à l’action accomplie sous son impulsion, de sorte que cette dernière soit pourvue des « ailes » (l’amour et la crainte ») qui permettront son élévation.
והנחת רוח הוא כמשל שמחת המלך מבנו שבא אליו בצאתו מבית האסורים כנזכר לעיל
La satisfaction qu’il donne à D.ieu est, pour prendre une image, semblable à la joie qu’un roi a de son fils qui s’en revient à lui, sortant de prison, comme dit plus haut,
Revêtue du corps et de l’âme animale, l’âme du juif « fils du Roi » se trouve comme prisonnière. Par la Thora et les mitsvot, elle est libérée et rattachée à sa source divine. Cette libération est, pour Lui, la source d’une grande joie, comparable à celle qu’éprouverait un roi de chair et de sang au retour de son fils.
או להיות לו דירה בתחתונים כנזכר לעיל
ou bien la satisfaction donnée de D.ieu est celle d’avoir une demeure dans les sphères inférieures, comme dit plus haut.
D.ieu désire avoir une demeure (la demeure étant le lieu où l’on peut se révéler pleinement) dans ce monde matériel, où, précisément, le Divin se trouve dissimulé. Cette révélation a lieu par l’accomplissement de la Thora et des mitsvot, qui suscite la satisfaction divine. Rabbi Chnéour Zalman a déjà expliqué que cette forme de l’amour pour D.ieu semblable à l’amour qu’un fils porte à son père, dissimulée dans le cœur, peut être éveillée grâce à l’habitude de l’évoquer verbalement, car « la voix éveille la ferveur du cœur et de l’esprit ». Il en est de même, va-t-il maintenant souligner, quant à l’amour décrit par le verset : « Mon âme, je Te désire », qui se résume à un amour de D.ieu similaire à l’amour de la vie. Il peut, lui aussi, être éveillé par la parole, c’est-à-dire en prenant effectivement l’habitude de dire que D.ieu est notre véritable vie.
והנה גם לבחינת נפשי אויתיך הנ״ל, קרוב הדבר מאד להוציאה מההעלם אל הגילוי על ידי ההרגל תמיד, בפיו ולבו שוין
Et même le degré d’amour défini par les termes : « Mon âme, je Te désire » mentionné précédemment, c’est une chose très proche que de le faire émerger de l’état de voilement à l’état de révélation, par l’habitude constante, avec sa bouche et son cœur en conformité.
Dans le cœur aussi se fera ressentir ce que sa bouche exprime, à savoir que D.ieu représente sa véritable vie.
אך אם אינו יכול להוציאה אל הגילוי בלבו, אף על פי כן יכול לעסוק בתורה ומצות לשמן על ידי ציור ענין אהבה זו במחשבה שבמוחו,
Toutefois, s’il ne peut pas faire émerger [cet amour] à l’état de révélation en son cœur, néanmoins, il peut tout de même au moyen de cet amour se consacrer à la Thora et aux commandements avec l’intention de lichma, en se représentant l’objet de cet amour dans la pensée de son esprit,
ומחשבה טובה, הקב״ה מצרפה כו׳
et « une bonne pensée, D.ieu la joint… à l’action… », permettant aux actions accomplies, c’est-à-dire à la Thora et aux mitsvot de trouver l’élévation par le biais de cet amour évoqué dans la « pensée ».
Comme expliqué dans les chapitres précédents, l’amour et la crainte qui conduisent à l’accomplissement de la Thora et des mitsvot emportent ceux-ci dans les Séfirot des mondes supérieurs. Il existe au regard de cette élévation une différence entre la crainte et l’amour « naturels », inhérents à l’âme, et les émotions nées d’une profonde méditation. Lorsque l’amour et la crainte sont « naturels », elles n’élèvent la Thora et les mitsvot accomplies sous leur emprise que jusqu’au monde de Yétsira, le monde des émotions auquel se rattachent cet amour et cette crainte « naturels ». Mais, quand l’amour et la crainte sont le fruit d’une profonde méditation sur la grandeur de D.ieu, les Séfirot du monde de Bria, dans lequel la Séfira de Bina (la compréhension) domine, sont atteintes. Rabbi Chnéour Zalman explique à présent que les deux formes d’amour, celui défini par les termes : « Mon âme, je Te désire » et l’amour illustré par l’image « comme un fils envers son père », innées en chacun parce qu’héritées des Patriarches, sont pourtant, quand elles sont révélées et ouvertement ressenties dans le cœur, le vecteur d’une élévation jusqu’au monde de Bria. Car la révélation de ces deux formes d’amour, est également liée à la profonde méditation sur le fait que l’Eternel est notre « source de vie » et qu’Il est notre « vrai père » ; elles sont donc considérées, de ce point de vue, comme intellectuelles. En revanche, si cet amour reste dissimulé dans le cœur pour n’apparaître que dans l’esprit, l’élévation produite s’arrête au monde de Yétsira.
והנה ב׳ בחינות אהבות אלו
Or, ces deux niveaux d’amour, l’amour signifié par les termes « Mon âme, je Te désire » (l’amour de la vraie « Source de vie ») et l’amour correspondant à l’expression « comme un fils envers son père »,
אף שהן ירושה לנו מאבותינו, וכמו טבע בנפשותינו,
bien qu’ils soient pour nous un héritage de nos Patriarches et comme une nature en nos âmes,
וכן היראה הכלולה בהן, שהיא לירא מליפרד, חס ושלום, ממקור חיינו ואבינו האמיתי, ברוך הוא
et de même, la crainte qui y est comprise est aussi naturellement présente par héritage, à savoir la crainte d’être séparé, à D.ieu ne plaise, de la Source de notre vie et de notre vrai Père, béni soit-Il,
L’amour de D.ieu en tant que source de vie implique également la crainte que, par la faute, nous soyons séparés de Lui qui est Source de vie ; de même, l’amour de D.ieu en tant que père exprime la crainte de nous voir séparés de notre père.
אף על פי כן אינן נקראות בשם דחילו ורחימו טבעיים, אלא כשהן במוחו ומחשבתו לבד ותעלומות לבו, ואז מקומן בי׳ ספירות דיצירה, ולשם הן מעלות עמהן התורה והמצות הבאות מחמתן ובסיבתן
néanmoins, ils ne sont pas qualifiés d’amour et de crainte naturels, si ce n’est quand ils sont dans l’esprit et la pensée seulement et dans les recoins du cœur. Alors, leur place est dans les Dix Séfirot du monde de Yétsira, et ils y élèvent avec eux la Thora et les mitsvot qui relèvent de leur fait et de leur cause.
Ces deux niveaux d’amour sont regardés comme la cause de l’accomplissement de la Thora et des mitsvot, car cet accomplissement résulte de la représentation de cet amour dans l’esprit.
אבל כשהן בהתגלות לבו, נקראים רעותא דלבא בזהר
Mais quand ils sont dans un état manifeste en son cœur (c’est-à-dire que la méditation agit sur le cœur qui ressent cet amour), ils sont appelés dans le Zohar reouta deliba (« le désir du cœur »), ce qui représente un degré supérieur à l’amour et la crainte naturels,
ומקומן בי׳ ספירות דבריאה, ולשם הן מעלות עמהן התורה והמצות הבאות מחמתן
et leur place est dans les dix Séfirot de Bria, où ils élèvent avec eux la Thora et les mitsvot dont ils sont le fait.
Car l’accomplissement de la Thora et des mitsvot est motivé par cet amour. Pourquoi ces deux degrés d’amour, qui relèvent de la nature de chaque juif, sont-ils rattachés au monde supérieur de Bria ?
מפני שיציאתן מההעלם והסתר הלב אל בחינת גילוי היא על ידי הדעת, ותקיעת המחשבה בחוזק והתבוננות עצומה מעומקא דלבא יתיר ותדיר באין סוף ברוך הוא,
Car leur émergence de l’état de voile et de dissimulation du cœur à l’état de révélation se fait par le moyen de la faculté de Daat et la fixation ferme de la pensée et une intense méditation, du fond du cœur, plus appliquée et récurrente, sur le Ein Sof, béni soit-Il,
איך הוא חיינו ממש ואבינו האמיתי, ברוך הוא
comment Il est notre vie littéralement et notre vrai père, béni soit-Il ;
ומודעת זאת מה שכתוב בתיקונים כי בעולם הבריאה מקננא תמן אימא עילאה שהיא ההתבוננות באור אין סוף חיי החיים ברוך הוא,
et on connaît bien ce qui est écrit dans les Tikounei Zohar, [à savoir] que dans le monde de Bria, niche, c’est-à-dire brille la Mère supérieure, c’est-à-dire l’attribut de Bina du monde d’Atsilout qui est ainsi appelé et représente, en ce qui concerne le service de D.ieu, la méditation sur la lumière du Ein Sof, la Source de vie, béni soit-Il.
וכמאמר אליהו: בינה לבא, ובה הלב מבין
Et ainsi que l’enseigne Eliahou dans les Tikounei Zohar : « Bina est le cœur et avec elle, le cœur comprend ».
Autrement dit, la méditation et la compréhension de l’esprit brillent ici dans le cœur. Or, cette compréhension du Divin se rattache au monde de Bria qui est illuminé par l’attribut de Bina ; aussi les deux formes d’amour mises à jour par cette méditation trouvent également leur place dans ce monde, où elles élèvent la Thora et les mitsvot. Rabbi Chnéour Zalman explique à présent que ces deux formes d’amour précédemment définies, à savoir « Mon âme… » et « Comme un fils… » n’ont pas seulement la supériorité de l’amour qui résulte de la méditation. Dès lors en effet qu’elles sont aussi un héritage reçu des Patriarches, que de ce point de vue, elles sont, elles aussi, un don d’En-Haut, elles renferment également la qualité de cet amour inaccessible autrement que comme un présent du Ciel : ahava rabba, Ces deux formes d’amour, chacune riche de ces deux qualités, sembleraient amplement suffire au service divin. Pourtant, va-t-il être ensuite dit, il faut s’efforcer de parvenir à une forme d’amour intellectuelle, c’est-à-dire résultant entièrement de la méditation.
ולא עוד, אלא שב׳ בחינות אהבות אלו הנזכרות למעלה הן כלולות מן בחינת אהבה רבה וגדולה ומעולה מדחילו ורחימו שכליים, אשר האהבה נקראת לעיל בשם אהבת עולם
Et non seulement ces deux formes d’amour portent en elles la supériorité de l’amour qui provient de la méditation, mais plus encore, ces deux niveaux d’amour précédemment évoqués participent de la catégorie de l’immense amour (ahava rabba) qui est plus grand et plus élevé que la crainte et l’amour intellectuels (suscités par la méditation), amour appelé précédemment ahavat olam.
Ces deux formes d’amour renferment également la supériorité de la catégorie d’ahava rabba qui trouve sa place dans le monde d’Atsilout, supérieur au monde de Bria auquel appartient ahavat olam. C’est là l’ajout que le Tanya entend signifier : non seulement cet amour trouve sa place dans le monde de Bria car sa révélation fait intervenir la méditation, mais plus encore, il renferme une qualité supérieure au regard de laquelle il appartient au monde d’Atsilout. Néanmoins, explique à présent le Tanya, l’amour qui est entièrement suscité par la méditation doit être recherché, pour la flamme et la soif qu’il exprime à l’égard du Divin.
רק שאף על פי כן צריך לטרוח בשכלו להשיג ולהגיע גם לבחינת אהבת עולם הנזכרת למעלה, הבאה מהתבונה ודעת בגדולת ה׳
Mais cependant, il faut faire l’effort avec son intellect d’atteindre et de parvenir également au degré d’ahavat olam dont on a parlé précédemment, amour qui provient entièrement de la méditation et de la connaissance de la grandeur de D.ieu,
A la différence des deux formes d’amour de « Mon âme, je Te désire » et « comme un fils envers son père » lesquelles, révélées par la méditation, sont fondamentalement présentes en chacun par héritage.
כדי להגדיל מדורת אש האהבה ברשפי אש ושלהבת עזה ולהב העולה השמימה,
afin d’accroître le bûcher de l’amour, avec des charbons ardents, une flamme intense et une flamme qui s’élève au Ciel,
עד שמים רבים לא יוכלו לכבות וגו׳ ונהרות לא ישטפוה וגו׳
au point que « les nombreuses eaux ne pourront pas éteindre, etc. l’amour » « et les rivières ne pourront pas l’emporter, etc. »
L’amour engendré intellectuellement est plus passionné et exalté que celui qui est un héritage, même si la révélation de ce dernier fait aussi appel à la méditation.
כי יש יתרון ומעלה לבחינת אהבה כרשפי אש ושלהבת עזה וכו׳ הבאה מהתבונה ודעת בגדולת אין סוף ברוך הוא,
Car il y a un avantage et une qualité propre à l’aspect de l’amour comme des charbons ardents et une flamme intense… qui provient de la méditation et de la connaissance de la grandeur c’est-à-dire de la transcendance absolue, immensurable du Ein Sof,
על שתי בחינות אהבה הנזכרות למעלה כאשר אינן כרשפי אש ושלהבת כו׳
sur les deux niveaux d’amour précédemment mentionnés, quand ils ne sont pas comme des charbons ardents et une flamme intense…, mais proviennent du sentiment de la proximité de D.ieu, en tant que « Source de notre vie » ou de « vrai Père ». La supériorité de l’amour ardent est
כיתרון ומעלת הזהב על הכסף וכו׳ כמו שכתוב לקמן
comme le bénéfice et la qualité de l’or sur l’argent…, ainsi qu’il sera expliqué plus loin.
La supériorité de l’or sur l’argent ne réside pas tant dans la valeur marchande du métal (car à poids différents, une même valeur est obtenue), mais dans la nature même de l’or, dont l’éclat particulier captive et attire la personne. De même, l’amour suscité par la méditation ne correspond pas à une catégorie d’amour supérieure (au contraire, l’amour défini comme ahava rabba, qui est un présent du Ciel, lui est supérieur). Mais la nature passionnée et l’embrasement intrinsèque à ce niveau d’ahavat olam, où l’âme se déverse jusqu’à l’expiration, sont l’apanage de cet amour. Il s’agit là d’une première raison pour laquelle l’amour qui résulte de la méditation doit être recherché sans ménager son effort. Mais Rabbi Chnéour Zalman ajoute ici une autre raison à cet effort, qui ne se rapporte pas cette fois à l’amour lui-même, mais à la méditation qui l’engendre : la méditation représente en soi une finalité, par elle s’accomplit l’intention de D.ieu dans la Création, à savoir que les êtres créés aient une connaissance et une perception de Sa grandeur.
וגם כי זה כל האדם ותכליתו
Et aussi, parce que c’est cela tout l’homme et sa finalité,
למען דעת את כבוד ה׳ ויקר תפארת גדולתו, איש איש כפי אשר יוכל שאת,
créé afin de connaître la gloire de D.ieu et la splendeur majestueuse de Sa grandeur, chacun selon ce qu’il pourra appréhender,
כמו שכתוב ברעיא מהימנא, פרשת בא: בגין דישתמודען ליה וכו׳ וכנודע
ainsi qu’il est écrit dans le Raya Méhemna, section Bo : « afin qu’on Le connaisse… », comme il est connu.
La méditation (qui conduit à l’amour) renferme donc une supériorité et constitue un but en soi. Cette méditation exige en effet une application plus importante que la révélation des deux formes d’amour présentes en héritage. Pour éveiller les deux formes d’amour présentes en héritage, il suffit de méditer l’idée que D.ieu est source de vie ou qu’Il est notre véritable père ; mais susciter l’amour de D.ieu uniquement par la méditation exige une méditation plus difficile et plus profonde et une compréhension du Divin plus approfondie. Ainsi s’accomplit le dessein divin que les êtres créés « Le connaissent », aient une perception de la grandeur du Divin. Il s’agit donc là d’une raison supplémentaire de ne pas se satisfaire de l’amour reçu en héritage, pour rechercher également l’amour qui ne peut naître que de la profonde méditation sur la grandeur de D.ieu.
Comments